Il ne faisait pas tellement froid pour un mois d'octobre. C'est pour cette raison que le petit Aaron se baladait dehors. Vu que c'était samedi, il ne portait pas l'uniforme. C'est exactement pour cette raison qu'il s'était fait traîner par Benjamin peu après le déjeuner pour qu'il se change un minimum parce que là, c'était clairement une catastrophe vestimentaire. Le gamin Poufsouffle avait tout juste eu le temps d'entendre le commentaire de son grand frère -qu'il fallait qu'il fasse quelque chose avant que ça ne devienne un crime- avant que ce dernier ne lui fasse enfiler un gilet et une veste correcte. Neutre en fait. Certes un peu trop grands puisqu'ils appartenaient au Gryffondor, mais neutre. Parce que les fringues d'Aaron n'étaient pas moches en soit. Son frère y veillait personnellement. Mais il ne savait pas les accorder. Du tout. Et avait tendance à trop aimer les couleurs vives. Mais le deuxième année ne pouvait décemment pas se balader avec un pantalon rouge et un t-shirt jaune fluo. Quand bien même il ne soit pas frileux, le mélange des couleurs tuait la rétine.

C'est donc parce qu'il se retrouvait affublé de deux couches de vêtements supplémentaires qu'il avait choisi d'aller dehors. Parce que mourir de chaud ne l'enchantait pas non plus. Et porter les habits de sont frères lui donnait une certaine fierté. Sans réelle raison. C'est juste son frère. Et il est fier de son frère. Toujours.

Le Poufsouffle se retrouva bien vite devant le terrain de quidditch. Rien de réellement étonnant en y réfléchissant. Où pourrait-il aller d'autre qu'ici ? Et puis il semblait y avoir de l'activité sur le terrain. Raison de plus pour s'y rendre. Le jeune O'Connor pressa le pas pour arriver plus vite à destination et s'installa dans les tribunes. De Poufsouffle évidemment.

Il n'y avait que des Serdaigles sur balai sur le terrain. Aaron en déduisit vite qu'il s'agissait d'un de leur entraînement. Rien de bien étonnant vu que la saison commençait. Le garçon était heureux, cette année il faisait parti de l'équipe de sa maison. Comme remplaçant certes, mais pour un deuxième année c'était déjà très bien. Il ne remercierait jamais assez son frangin et son père pour l'y avoir initié depuis tout petit. Et Aaron n'était pas mauvais, du tout, juste pas assez agressif.

Profitant de cette session, le garçon observa la technique des poursuiveurs. Pour en prendre de la graine évidemment. S'il voulait pouvoir surprendre son frère sur le terrain l'année prochaine, c'était dès maintenant qu'il devait se trouver sa propre technique. C'est sur cette réflexion qu'il vit un balai s'arrêter à côté de lui et une demoiselle en descendre. Et surtout parler. Un peu stupidement le jeune garçon se retourna pour voir si c'était bien à lui qu'elle parlait. Ce qui est effectivement le cas puisqu'en dehors de lui les tribunes se trouvaient vides.

Aaron n'ouvrit pas non plus la bouche quand elle avoua que son expression était si facilement visible. Il en rougit même légèrement. Pour être passionné il l'était. En la voyant se pencher vers lui il ne comprit pas, jusqu'à ce que le mot espion arrive jusqu'à son cerveau. À cet instant, oubliant sa timidité le Poufsouffle lâcha un « non ! » un peu trop fort. Elle n'avait pas totalement tort de le penser. Certains de sa maison profitaient même de sa passion et du fait qu'il venait souvent voir des entraînements qui n'étaient pas les leurs et ce depuis sa première année, pour glaner des informations. Le garçon en lâchait parfois mais ce n'était pas le but de ses visites.

Puis se souvenant des questions que la bleue lui avait posé il se racla la gorge pour répondre. « Je suis arrivé il y a quelques minutes. Et non je n'espionne pas. J'apprends. » Le tout dit avec un sourire grand comme le terrain. Oui il aimait le quidditch à ce point. C'est parce qu'il aimait ce sport qu'il remit pu mettre un nom sur la demoiselle avec qui il parlait. En la regardant vraiment pour la première fois de la conversation il constata que la demoiselle était poursuiveuse à Serdaigle. Et elle l'était déjà l'année d'avant. C'est pour cette raison qu'il pouvait dire qu'il s'agissait de Charlie Williams. Oui il connaissait le nom des joueurs. Et quand ce n'était pas le cas, son frère le renseignait. C'est comme ça qu'il avait connu la composition de l'équipe de Gryffondor à peine une heure après sa composition. Ce n'était absolument pas de la triche, juste de la curiosité !

Et parce qu'Aaron se sentait fier de sa passion, il tendit la main à la septième année en souriant. « Moi c'est Aaron. Aaron O'Connor. »

Le garçon se sentait presque fier que la septième année lui dise que c'était bien d'observer pour apprendre. Ça donnait de la légitimité à son geste et obtenir un compliment d'un joueur -une joueuse dans ce cas- était toujours très appréciable et instructif. Puis la question qui suivit fit sourire Aaron. Bien sûr qu'il avait postulé ! « Oui ! Et j'en fais partie. » Bon ce n'était pas tout à fait ça non plus. « Comme remplaçant... » La réplique semblait dite sur un ton boudeur. Comme s'il se sentait lésé dans l'histoire. Mais ça c'est juste parce qu'il était trop jeune.

Quand Charlie se présenta également, il perdit son air boudeur. Ce n'était pas à elle qu'il devait le faire. Et puis son capitaine était un insensible de toute façon. Sa bouille toute mignonne ne lui faisait rien, même pas culpabiliser. « Yep. Je sais qui tu es, et j'admire ta technique de percée de l'équipe adverse ! La façon dont tu voles le souafle en pleine action et la vitesse à laquelle tu le fais. C'est juste magnifique à voir. » Le Poufsouffle se demanda trente secondes s'il ne passait pas pour une de ses groupies qui commente chaque mouvement de leur star préférée. Puis jugea que non ce n'était pas le cas parce que c'était une discussion entre deux joueurs. Convaincu de son raisonnement il laissa de nouveau un grand sourire manger son visage.

La demoiselle sembla vouloir lui poser une question mais fut interrompu par un bruit étrange. Et alors qu'elle se dirigea vers la source du bruit, le gamin ne bougea pas d'un pouce. De toute façon si c'était une blague, la Serdaigle s'en sortirait parfaitement toute seule.

Puis tout se passa très vite. Quelque chose sortit du pupitre et se transforma en une immense créature encapuchonnée noire. Aaron n'eut même pas le temps de l'identifier que sa camarade cria quelque chose. Ça semblait être un sort mais, le gamin n'arriva pas à l'identifier. Puis la chose se brouilla et arriva juste devant le deuxième année. Ce dernier n'eut que quelques secondes de répit. Quelques minuscules secondes avant d'écarquiller les yeux et de hurler. Ce n'était pas possible… Ça ne pouvait pas être réel… Non, Aaron se trouvait en plein cauchemar il n'y avait pas d'autre explication. Ça ne pouvait pas être arrivé.

Devant lui se trouvait trois corps allongés, baignant dans du sang, la peau extrêmement pâle. Morts. Abigail, Benjamin et Kate. Morts. Sans vie. Sans espoir de résurrection. C'était la fin du monde. Il fallait qu'il se réveille. Aaron posa ses mains sur sa tête et hurla de nouveau avant de se laisser tomber à genoux et de fermer les yeux. Ce n'était pas possible. Pas possible. Ils ne pouvaient pas être morts. Ils n'étaient même pas là quelques minutes auparavant. Et alors qu'il rouvrait les yeux pour voir si ce n'était qu'une hallucination, les trois corps se trouvaient toujours là. Devant lui. Et les larmes se mirent à couler. Un torrent. Il avait peur, tellement peur que cette vision soit réelle. S'il perdait sa famille, la vie n'aurait plus de sens. Pour lui sa famille représentait tout ce à quoi il tenait.

Non définitivement il ne pouvait pas voir ça et ferma de nouveau les yeux. Attendant que ça passe. Parce que ça devait passer. Il fallait que ça passe.

Toujours replié sur lui-même, le jeune Poufsouffle ne voulait pas faire attention à son environnement. Il ne voulait rien savoir. Juste oublier ce qu'il venait de voir. Le bain de sang dans lequel se trouvaient ses frère et sœurs. Le gamin devait oublier. Ça ne pouvait pas être réel. Ils n'avaient pas le droit de mourir.

Un courant d'air attira momentanément son attention. Puis quand il sentit un bras posé sur lui et qu'il était pressé contre un corps, il sursauta. Paniqué il ouvrit les yeux pour constater qu'il s'agissait de Charlie. Qu'elle n'était plus vers le pupitre mais près de lui. N'osant jeter un coup d'œil sur la scène épouvantable qu'il savait derrière elle, il se concentra sur ce qu'elle lui disait. C'est fini ? Comment ça pouvait être fini ? Et comment ça pouvait ne pas être réel ? Même si lui même essayait de s'en convaincre, il avait parfaitement vu les corps. La septième année devait probablement les avoir vu aussi. Alors comment ça pouvait ne pas être réel ? Oh Merlin comme il priait pour que ce ne soit pas réel.

Le gamin avait toujours les mains crispées sur sa tête. À s'en faire mal. Mais c'est la seule chose dont il avait conscience. Il avait mal. Physiquement. Donc ce n'était pas un rêve -cauchemar-. Ce qui faisait encore plus mal. Mentalement.

Aaron sortit de son affabulation en sentant une main se presser sur son épaule. Encore une fois il sursauta. Puis plongea son regard emplit de larmes dans les yeux de la Serdaigle. À cet instant la phrase percuta le Poufsouffle. Un seul mot emplissait désormais son cerveau. Épouvantard. Épouvantard… Épouvantard ! Il s'agissait d'un épouvantard. Un simple épouvantard. Benjamin lui en avait parlé quand il avait été en troisième année. Lui racontant que pour la plupart des élèves ce sont des phobies communes. Comme les araignées, les serpents, les clowns etc. Son frère lui avait caché sa propre peur. Parce qu'elle était horrible et Aaron trop jeune. Qu'est-ce qui pouvait être pire que ce à quoi avait fait face le gamin ? Rien. Il n'y avait rien.

Courageusement, le deuxième année jeta un coup d'œil à la créature. Il savait ce que c'était. Il pouvait y faire face. Non. Absolument pas. Mais il voulait confirmation que tout était fini. Et effectivement la créature avait la forme d'un épais nuage de poussière. Néanmoins, Aaron ne s'attarda pas plus à le regarder. Il ne voulait pas retomber sur la boucherie qu'il avait vu. Puis le reste de la phrase dite par Charlie atteint elle aussi son cerveau. S'éloigner.

À cet instant, le pauvre gamin s'accrocha à la veste de la tenue de quidditch de Charlie et la supplia. « Il faut qu'on aille voir s'ils vont bien. Il faut être sûrs ! » Aaron semblait totalement paniqué. Bien sûr que c'était normal. Et même s'il savait que c'était un épouvantard, il avait besoin de savoir que sa famille allait bien. « On doit les trouver ! » Au moins l'un des trois. Pour être sûr. Il devait avoir confirmation qu'ils allaient bien.

La Serdaigle face au gamin tentait de le calmer par des mots qui se voulaient sûrement réconfortants. Mais Aaron n'en démordrait pas. Il lui fallait retrouver ses proches avant que cette vision ne revienne le hanter. À n'en pas douter qu'il en ferait des cauchemars. Le gamin compatirait presque de ses camarades de dortoir qui allaient subir ça si les conditions avaient été autres.

Puis Charlie se releva et le guida vers la sortie. Elle venait de lui dire qu'ils allaient retrouver sa famille. Alors le Poufsouffle se précipita pour la suivre. En arrivant en bas, la septième année lui demanda de qui il s'agissait. Aaron n'était pas surprit par la question. Son frère était populaire mais dans ce bain de sang il semblait méconnaissable. Le gamin prit une grande bouffée d'air avant de parler. « C'est… Il s'agit de mes frère et sœurs. » Sa voix tremblait. À la limite du brisée et sa gorge lui faisait mal. Nouée par l'émotion. Par la peur. Cependant, il se força à éclairer un peu plus sa camarade. « Je ne sais pas où peut être Ben. Mais il y a de forte chance pour que… Que l'une des filles soit à la bibliothèque. » Ce qui était vrai. Mais pour cette fois, Aaron l'espérait de tout son cœur. Il ne pourrait pas attendre le repas du soir dans la grande salle. Le deuxième année deviendrait fou bien avant.

Alors qu'ils se dirigeaient vers le château, le gamin tenta de reprendre ses esprits. Quand bien même il se laisserait submerger par sa peur, il ne devait pas encore paniquer. Il ne le pouvait pas. Charlie lui avait dit qu'ils allaient bien. Mais comment pouvait-elle le savoir ? Que ce n'était pas réel. Juste un épouvantard. Aaron ne voulait même pas essayer de chercher à comprendre ce que cette créature faisait là. Il ne voulait pas savoir. Juste oublier. Ne plus y penser. Il devait simplement se concentrer pour trouver sa famille au plus vite. Se rassurer. Probablement refuser de les quitter d'une semelle aussi. Éventuellement rendre la veste de son frère, ce qui ferait une bonne excuse pour rester avec lui. Même s'il n'avait pas besoin d'excuse.

Sa petite famille allait avoir à faire face au côté pot de colle et besoin de réconfort d'Aaron. Le gamin les plaindrait presque si la situation ne semblait pas autant désespérée.

L'avancée du petit Poufsouffle et de la grande Serdaigle jusqu'au château se fit rapidement. Le jaune et noir courrait presque. Pourtant, jamais jusqu'à cet instant le chemin qui séparait le château du terrain de quidditch ne lui avait paru aussi long…

Le Poufsouffle remerciait silencieusement Charlie de s'occuper ainsi de lui. Parce qu'il avait la désagréable impression de ressembler à un enfant sachant tout juste marcher qui a perdu sa maman. Non. Mauvaise pensée. Il ne pouvait pas vérifier si sa mère allait bien et qu'il laissait sa peur s'étendre ainsi le gamin ne s'en sortirait jamais. Le deuxième année devait se ressaisir maintenant. Son frère et ses sœurs. Ses parents allaient très bien, dans leur maison de campagne au bord de la mer. Il n'y avait aucune raison de s'inquiéter pour eux.

Face aux paroles de la Serdaigle, Aaron ne fit que hocher la tête. Il l'espérait de tout cœur. Tellement que le nœud qu'il avait dans la gorge s'était répandu jusque dans son estomac à présent. Il la suivait, surtout il laissait la bleue le guider à travers le dédale de couloirs qu'était le château. Et monter les escaliers fut une épreuve en soi puisqu'il ne fallait pas perdre la brune de vue et surtout ne pas se laisser embarquer par le flot d'élèves qui circulaient. Pourquoi diable y en avait-il autant ? Ne pouvait-il pas se tenir sagement dans un coin le temps qu'ils passent. Qu'il se rassure. Qu'il évacue la pression.

La question de la septième année, bien que le ramenant à l'instant présent, le déstabilisa. Si bien qu'il écarquilla les yeux en la regardant. Pour lui c'était tellement évident qu'il allait leur dire qu'il ne s'attendait absolument pas à la question. Après il pouvait parfaitement comprendre que Charlie ne veuille pas rester pour écouter ça. Elle aussi avait eu affaire à l'épouvantard. Le gamin se sentait presque coupable d'accaparer ainsi la jeune femme alors qu'elle aussi devait gérer sa propre peur.

Aaron secoua la tête pour se reprendre autant qu'il le pouvait. « Je ne leur mentirai pas… Ils le verront de toute façon. » Il ne pouvait pas être plus franc. De toute façon il n'aimait pas leur mentir. Pas sur quelque chose de si important. Et tant pis si l'un d'entre eux le traitait d'idiot, de trop émotif ou que savait-il encore… Il avait peur. Il n'était qu'un gamin qui avait besoin d'être rassuré, d'être consolé. Pas sûr que tomber sur Kate soit la meilleure chose d'ailleurs.

Et ces escaliers qui n'en finissaient pas. Pourquoi donc le château était-il si grand quand l'urgence de trouver une personne précise se faisait sentir ? Il maudirait jusqu'à la fin de sa vie celui qui l'avait imaginé ainsi. Tant pis si c'était un grand sorcier qui n'avait plus de descendance, il maudirait sa mémoire.

Après encore quelques escaliers récalcitrants, les deux élèves purent apercevoir les portes de la bibliothèque. Enfin ! Le soulagement bien que faible se voyait déjà sur le visage du gamin. Trouver le lieu lui donnait de grands espoirs. Peut-être trop. Il n'envisageait même pas de ne pas y trouver une des personnes qu'il cherchait. Ce serait une bien trop grande déception. Il n'était pas sûr de s'en remettre.

Son cœur battait bien trop vite et il l'entendait battre jusque dans ses oreilles. Mais Aaron espérait vraiment de tout son cœur qu'un O'Connor soit dans cette fichue bibliothèque.

Alors qu'ils étaient devant les portes, le Poufsouffle vit un sourire qui se voulait rassurant sur les lèvres de la septième année. Son commentaire en revanche ne le rassura pas. Il n'était pas sûr d'être capable de retrouver sa fratrie tout seul. Mais si Charlie ne savait pas à quoi ils ressemblaient, ça ne servait à rien. Puis en la regardant plus attentivement, le gamin s'aperçut que le visage de la jolie Serdaigle semblait plus marqué, plus épuisé que lorsqu'ils ont commencé à discuter sur le terrain de quidditch. C'est vrai, elle aussi avait subi l'épouvantard. Elle n'avait pas eu plus de chance que lui. Elle méritait du repos. La bleue et bronze s'était montrée déjà suffisamment gentille avec lui en le réconfortant, le protégeant et l'accompagnant jusqu'ici.

Aaron secoua donc sa tête doucement de droite à gauche. « C'est bon, je vais me débrouiller pour la suite. » Puis sur un coup de tête pour la remercier, il lui fit un câlin. Pas longtemps, 30 secondes à peine. Pour se donner un peu de courage aussi peut-être.

Un peu gêné face à ce geste qu'il avait lui même initié, qui n'est pas fait sous le coup de l'émotion, son visage prit quelques couleurs. En se détachant de la septième année il lui chuchota un faible « merci ». Heureusement qu'elle avait été là. Sans elle, le gamin n'aurait pas fait long feu. Il lui serait éternellement reconnaissant.

Sans attendre, le deuxième année franchit la porte en bois. De l'autre côté se trouvait une partie de son saint Graal. Il n'avait pas le choix que d'y être.