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Des pins. De grands et magnifiques pins à perte de vue qui le dominaient de plusieurs dizaines de pieds. L’odeur de leur sève enivrait le jeune homme. Il inspirait un peu plus de ce parfum à chaque seconde qui passait, faisant gonfler ses poumons comme des baudruches de fête foraine. Mon dieu, qu’il se sentait bien ici. Les rayons du soleil caressaient doucement la peau de ses joues et de son cou, il tendit les bras en croix pour lui faire face de toute son ampleur, comme une invitation à le laisser pénétrer son esprit et son corps, à le purifier et le réchauffer. Un nuage passa alors, il entrouvrit légèrement les yeux : une ombre sortait de derrière un arbre. La chose grogna.
« Teddy ! TEDDY ! Bon sang, il n’est pas possible ce gosse… Debout enfin ! Mr. Harry va arriver d’ici peu ! Teddy Remus Lupin ! Je te jure que je si je rentre dans cette chambre, cette fois ton visage ne se transformera pas à cause d’une autre de tes pitreries mais bien à cause d’une jolie paire de… Allez, enfin chéri, debout ! »
Pour une fois, le jeune Ted Lupin bénit la voix tremblante de sa grand-mère de le réveiller de si bon matin. Pour rien au monde il n’aurait voulu savoir quel était le sort que lui réservait son rêve ni même ce qu’était cette créature qui semblait le traquer dans cette forêt soudainement devenue sombre. Non, pour sur, il était terriblement mieux dans son lit, enfouis sous sa couette, à entrouvrir les yeux sur la pénombre matinale de sa chambre : de vieux fauteuils rapiécés, des affiches de Quidditch déchirées, des piles de livres hautes comme lui et qui servaient plus souvent de consolidations à divers édifices extravagants qu’à une réelle lecture intéressée. Des bougies à moitié consumées étaient disséminées un peu partout, ainsi que quelques bâtons d’encens qui brulaient en continu depuis des jours (et continueraient d’ailleurs de le faire infiniment tant que l’hôte de la chambre n’aurait pas décidé d’y donner un petit coup de baguette). Ted tendit le bras vers cette étrange machine semblable à un cube avec une face en verre gris que Mr.Weasley lui avait offert comme un véritable bijou et qui lui servait depuis lors de table de chevet (il en avait d’ailleurs oublié le nom… « Télétruiton ? Télédicton ? », il ne savait plus vraiment) , toujours est-il qu’il y attrapa une tablette de chocolat enveloppée dans de l’aluminium grossièrement éventré. Il en cassa deux morceaux et comme premier signe d’activité de la journée, les fourra entre ses lèvres, repoussant au passage la couette sur le bas de son dos. Le goût sucré du cacao, le fit sourire. Il tendit les bras et se souleva lentement du matelas avant de venir s’asseoir sur le bord du lit, ses pieds touchant le parquet froid. Il secoua ses cheveux et entreprit d’ouvrir les volets de la petite fenêtre qui représentait la seule véritable source de lumière possible dans son « antre ». Il poussa alors les deux pièces de bois et fût ébloui par le soleil de midi. Plissant les yeux, il observa en contrebas le jardin de la maison de sa grand-mère, et au milieu, un gnome de jardin qui tentait visiblement d’extirper son immonde petite tête d’un autre cadeau d’Arthur, une sorte de caisse avec un hublot où les Moldus plaçaient leur linge pour qu’il soit propre une heure plus tard. Ted sourit à cette idée et ces cheveux prirent alors une teinte beaucoup plus claire, passant d’un brun plutôt sombre à un quasi-blond vénitien. Le gnome extirpa alors la grosse patate qu'il lui servait de tête du hublot de la machine Moldue qui le gardait prisonnier, et, visiblement fier de s’en être sorti, se recula de quelques pas et lui fit une affreuse grimace, tirant sa petite langue rouge et postillonnant au possible en agitant ses mains de chaque côté de sa tête. Certainement en signe de victoire et d’humiliation pour la machine. Puis le chat de la maison passa dans un buisson proche et il n’en fallut pas plus à notre ami de petite taille pour se mettre à sa poursuite, espérant certainement affirmer sa supériorité sur le patrimoine animal du jardin familial. Ted se détourna alors de toute cette activité bucolique pour chercher quelques habits propres et présentables à porter aujourd’hui. Il faisait un effort, certes. Et c’était rare. Mais après tout aujourd’hui, Harry venait passer la journée avec lui. Et son parrain méritait bien un petit effort vestimentaire après tout. Et puis, Ted était de bonne humeur.
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Une forte odeur de toasts et d’oeufs sur le plat émanait de la cuisine en bas. Le jeune Lupin maintenant habillé, dévala alors les escaliers de la maison, n’y manquant pas d’ailleurs plusieurs fois d’y laisser une dent tant il avait hérité du potentiel catastrophique de sa mère en matière d’agilité, du moins, c’est ce que racontait sa grand-mère à qui voulait bien l’entendre. « Une vraie catastrophe ce gosse, pire que ma petite Nymphadora encore, je crois… » disait-elle. C’était le genre de choses qui faisaient toujours sourire le jeune homme : s’entendre dire qu’il ressemblait à ses parents. Des gens très bien à ce qu’on disait. Ça lui valait d’ailleurs l’amitié et l’affection de beaucoup de personnes.
Arrivant au rez-de-chaussé dans un tourbillon, il s’assit à la table de la cuisine et se jeta sur le contenu de son assiette tout en entreprenant d'ouvrir de l'autre main et par curiosité un livre oublié sur la table écrit par un certain "Lockhart", sans même remarquer qu’au bout de la table, à quelques dizaines de centimètres de lui à peine, devant une tasse de thé tiède, se tenait "Le Garçon qui a survécut". Celui se racla alors doucement la gorge :
« Sympa cette nouvelle couleur de cheveux Teddy… »
Le Métamorphomage leva alors lentement la tête, penché sur son assiette, du jaune d’oeuf coulant sur la commissure de ses lèvres, puis afficha un grand sourire alors que ces cheveux viraient au rouge :
« Parrain ! Tu es là depuis longtemps ? »
Il entama un mouvement pour se lever de son siège mais remarquant du coin de l’oeil le bout d’oeuf qui se balançait à ses lèvres, il en déduit que les salutations pourraient bien attendre la fin de son petit-déjeuner. Il se rassit alors et continua de dévorer son repas amoureusement préparé par sa grand mère, qu’on entendait tricoter dans le salon non loin de là, écoutant certainement chaque mot de la conversation. Il ne fallait pas que quelqu’un fasse de mal à son petit Teddy. Il lui rappelait tellement Ted et Nymphadora après tout. Le jeune homme souriait et fixait son parrain tout en terminant un premier toast. Faisant une pause pour avaler quelques gorgées de thé, il en profita pour entamer une conversation :
« Ginny va bien ? Et ton travail au ministère ? »
Harry entreprit alors de lui répondre alors que Ted attaquait avidement son deuxième toast, ne lâchant pas un instant le survivant des yeux et buvant littéralement ses paroles. Ils restèrent là pendant une bonne demie-heure, face à face, chacun de son côté de la table à discuter des choses du monde, du bureau des Aurors ou des dernières nouvelles concernant les Canons de Chudley et leur match contre les Frelons de Wimbourne. Une fois rassasié, Teddy d’un coup de baguette envoya la vaisselle sale dans l’évier puis s’essuya la bouche avant de proposer à Harry de sortir dans le jardin pour discuter en profitant du soleil. Car celui-ci faiblissait légèrement de jour en jour, et il fallait en profiter ! Comme disait sa grand-mère : « Mange autant de Patacitrouilles que possible avant qu’il n’en reste plus ! »… Mais il n’était pas si sur que ça du réel fondement de cette phrase. Toujours est-il que Septembre approchait, et avec lui, la rentrée à Poudlard. Enfin, pour ceux qui avaient encore la chance d’y être étudiants. Car le cursus à Poudlard de Ted s’était achevé au début de l’été, sortant avec d’excellentes notes de ses examens et avec les félicitations de la plupart de ses professeurs. On ne dit jamais de lui qu’il était le plus studieux ou le plus passionné. Car il ne l’était honnêtement pas. On disait simplement qu’avec des parents comme il avait eut, il ne pouvait en être autrement. C’était dans son sang !
La réussite à ses examens avait donné lieu à une grande-fête à l’endroit même où il se trouvait maintenant avec son parrain, riant des péripéties du gnome de jardin malpoli pour chevaucher le chat comme un poney. Tout avait été éclairé par des magnifiques lampions flottant au dessus de leurs têtes, une grande table avait été dressée sur plusieurs dizaines de pieds et on l’avait recouverte de nombreux plats tous plus succulents les uns que les autre. Tous étaient venus et avaient ris ensemble jusque tard dans la nuit, portant progressivement des toasts (la Bièraubeurre aidant) à Teddy et à ses parents merveilleux « qui nous manqueront à jamais », puis à Andromeda, sa grand mère, pour avoir élevé seule cette petite canaille, puis à Poudlard et ses passages secrets, puis à Zonko, puis à tous les furets abandonnés par leur famille (ce qui avait évidemment ému toute l’assemblée sur le moment) puis enfin aux Patacitrouilles oubliées dans les placard, que personne ne mangerait jamais… Oui, ça avait été une bonne soirée. Il avait beaucoup rit avec Victoire Weasley, il s’en souvient. Une charmante fille, au cheveux de feu…
Mais Harry coupa alors nette sa nostalgie en lui tendant un bout de parchemin entouré d’un ruban noir sorti tout droit de sa cape :
« Qu’est-ce que c’est ? »
Son parrain lui fit alors signe de l’ouvrir avec un petit sourire rassurant. Teddy défit alors le noeud du ruban et déplia lentement le parchemin. Il reconnu alors le sceau de Poudlard. Il lu avec attention, et après que ses yeux aient parcouru les derniers mots : « Minerva McGonagall, Directrice », il se tourna vers Harry, souriant légèrement, et lui dit, amusé :
« Il semblerait qu’entre Poudlard et moi, ça ne soit pas encore fini… »