L’après-midi venait juste de commencer quand Alexis descendit de la tour Serdaigle avec son balai. Il n’avait pas les moyens de s’offrir davantage qu’un Nimbus 2000 d’occasion. La bête avait plus de vingt ans, et commençait sérieusement à présenter des signes de fatigue. Il avait également pris avec lui des vêtements de rechange au cas où il se mettait à pleuvoir. La météo écossaise était plutôt capricieuse.

Il avait en tête de reprendre les entraînements de Quidditch, sans trop savoir par où commencer. Il ignorait même pourquoi il se lançait là-dedans, lui qui aimait la solitude et détestait les gens. Saurait-il jouer en équipe ? Peut-être, ou peut-être pas. Après tout, il pouvait très bien avoir un poste plutôt indépendant, comme Gardien ou Attrapeur. À cette pensée, il se décida pour une séance en tête à tête avec un Vif d’Or.

Le jeune homme était donc sur le chemin du stade, sous un soleil timide mais bien présent, sans l’ombre d’une personne à qui il doive adresser la parole : le paradis. Sauf que… Il y a toujours quelque chose pour venir noircir le tableau. Du coin de l’œil, il aperçut une silhouette familière, bien trop petite pour être digne d’intérêt. Un première année qui avait un peu trop tendance à le coller.

*…Encore lui…?*
*Ignore-le.*

Ce qu’Alexis tenta de faire. En vain.

Mais quelle plaie ! Alexis ne cachait pas son agacement, mais ça ne stoppait pas le chiard de première année pour autant ! Il le suivait depuis le château et ne tarda pas à courir pour le rattraper et l’assommer de paroles. Le grand sourire du Gryffondor donnait des envies de meurtre au Serdaigle.

— Mais mêle-toi de tes affaires !

Surtout si c’était pour lui faire remarquer que son balai était tout pourri ! Ça, il le savait, et il n’avait pas besoin qu’on le lui fasse remarquer. Encore une fois, c’était l’ascendance moldue d’Alexis qui était coupable : il n’avait malheureusement pas assez de Gallions pour se payer un balai digne de ce nom, d’autant plus qu’il n’était même pas sûr de se remettre sérieusement au Quidditch cette année. Il l’espérait, il le voulait, mais c’était comme s’il y avait toujours quelque chose qui l’en empêchait. Le public, l’équipe, les gens. Ce Gryffondor en train de le suivre.

— Il fait en BOIS ! T’en as pas marre de t’écouter parler, sérieusement ?

Alexis s’arrêta brutalement sur le chemin, et se tourna vers Alvin, l’air à la fois irrité et intrigué. Fronçant les sourcils et se donnant l’air le plus intimidant possible, il lui demanda :

— Pourquoi tu me suis !? Pourquoi moi ? Qu’est-ce que je t’ai fait !? Tu peux pas aller embêter quelqu’un d’autre ? Il y a des tas de joueurs de Quidditch égocentriques qui n’attendent que d’avoir un fanclub, alors va les saouler, eux ! Ils en seront ravis ! Moi je veux juste m’entraîner et qu’on me fiche la paix !

Au fur et à mesure de sa tirade, la rage avait fait place à l’incompréhension — la némésis d’un bon Serdaigle — et l’embarras. Misanthrope et solitaire, Alexis l’était, mais il était également sujet à une certaine anxiété sociale, chose qu’il ignorait encore pour le moment. Qu’on le suive, qu’on lui parle, qu’on le regarde alors que lui faisait tout pour passer inaperçu le mettait dans un état de stress dont lui-même n’avait pas idée.

Alors déjà qu’on lui parle l’agaçait mais qu’en plus on le touche !? Non ! Quand Alvin lui rentra dedans, Alexis lui fit les gros yeux, visiblement très énervé. Il ne lui en fallait pas beaucoup pour l’être cela dit, ce qui rendait son énervement presque moins légitime. Enfin ! On venait l’importuner alors qu’il voulait seulement s’entraîner tranquillement. D’ailleurs, Alvin ne manqua pas de noter que c’était bien pour ça que le Serdaigle était sorti de son isolement. Le rire du gamin ne suffit pas à calmer le misanthrope, loin de là. Il était encore plus en colère.

— Wow, t’as trouvé ça tout seul ? T’iras loin toi !

Impossible de louper le ton railleur et le sourire mauvais et goguenard d’Alexis. C’est vrai que c’était logique : s’il avait pris son balai avec lui, c’était bien pour voler avec, pas pour faire autre chose ! Il ne fallait pourtant pas être devin pour savoir ça… Mais il fallait aussi croire que toutes les connexions n’étaient pas faites dans le cerveau du jeune première année.

Enfin, ce n’était pas son problème. Alexis reprit sa marche, bien décidé à s’entraîner quoi qu’il arrive. Cela faisait beaucoup trop longtemps qu’il n’avait pas volé, et ça lui manquait. Cependant, le gamin continuait de le suivre, lui lançant des regards qui donnaient à Alexis l’envie de lui casser la gueule. Ce qu’il se retint de faire, bien évidemment. Il n’avait pas envie d’avoir des ennuis à cause d’un sale moucheron. Le silence retomba un court instant, avant qu’Alvin ne trouve d’autres questions stupides à poser. Enfin… Elles étaient quand même moins stupides que les premières.

— Non je fais pas partie de l’équipe des Serdaigle !

C’était sorti plus violemment qu’il ne l’aurait voulu, comme s’il contenait à grand peine une frustration certaine. Il aurait voulu en faire partie, mais il n’était pas sûr d’être à la hauteur, ni même capable de jouer véritablement en équipe. Pourtant, il aimait le Quidditch, le jeu, sa stratégie, et plus que tout il aimait voler sur un balai. C’était tellement à l’opposé de tout ce qu’il était capable de faire dans le monde moldu ! C’était extraordinaire, à chaque fois !

Se souvenant soudainement de pourquoi il était si passionné de magie, Alexis tiqua sur les paroles d’Alvin. Personne ne parlait de magie chez lui ? Vraiment ? Étrange.

— T’es né moldu ou quoi ?

Là aussi, Alexis avait été beaucoup plus agressif qu’il ne l’aurait pensé, et avait eu du mal à contenir son mépris. On aurait pu penser que c’était l’hôpital qui se foutait de la charité — il était né moldu, rappelons-le — mais ça tenait surtout à son désamour des moldus. Ce monde l’ennuyait profondément, si bien qu’il ne se sentait vraiment chez lui qu’à Poudlard. Ses parents, qui au mieux l’ignoraient, au pire le traitaient de monstres, n’étaient pas pour arranger les choses.

— Des mauvaises choses ? Tu parles de Voldemort ?

Même s’il était né moldu, Alexis avait fini par apprendre certaines choses en cinq ans. Sa soif inextinguible de connaissances l’avait rendu à la fois très érudit et très imprécis dans sa culture générale sorcière : il savait beaucoup de choses mais de façon superficielle et erratique. Principalement parce qu’il avait tout appris sur des parchemins, et pas en discutant avec ceux qui avaient vécu ces évènements.