Lawrence Rochester est né dans une famille de Sang-Mêlés tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Il n’était pas un garçon particulier, il n’avait pas de spécificité. Mais lorsqu’il visita Sainte-Mangouste à la naissance d’un petit frère, il fut fasciné par l’ambiance de l’endroit et par les personnes qui lui avouèrent soigner des gens. Le petit garçons n’avait pas encore sept ans qu’il avait déjà décidé qu’un jour, il sauverait des vies. C’était ainsi le but de son existence et il avança dans les âges en se concentrant sur ce but, avec la bienveillante validation de ses parents qui ne voulaient que son bonheur.

Timide et effacé, le jeune garçon partit pour Poudlard, à la fois impatient d’apprendre tout ce qu’il fallait pour être un bon médicomage, et à la fois angoissé de devoir côtoyer autant de monde. Réparti à Serdaigle, il fila rapidement mettre son nez dans les livres de la bibliothèque, et il était rare qu’il en sorte. Il performa dans plusieurs domaines, comme la Botanique et les Potions, et bien plus tard, le Soins aux Créatures Magiques, et, à son grand étonnement, la Défense contre les Forces du Mal. Moyen dans toutes les matières qui ne servaient pas son ambition, il laissa complètement de côté l’Histoire de la Magie et le Vol, deux matières qu’il trouvait inutiles. Lawrence n’assista d’ailleurs jamais à aucun match de Quidditch.

Il rencontra Jane à la bibliothèque, quand elle le salua par-dessus un livre. Il la connaissait déjà, de Poufsouffle et de son année, mais elle qui était charmé par ce petit bout de nez toujours dans son coin et qui avait toutes les bonnes réponses, avait décidé de prendre les choses en main et d’aller le chercher. Il ne fut pas possible de le dire autrement, c’était elle qui faisait la cour et non lui. Ce ne fut que quand un ami le lui fit remarquer qu’il songea à lui offrir des fleurs, maladroitement cueillies et précipitamment arrangées, un présent qui fit pouffer Jane, attendrie toutefois par l’effort.

Emily naquit alors que son père fêtait ses vingt-et-un ans et qu’il achevait sa thèse sur la variole du dragon. S’appuyant sur les recherches de ceux qui avaient réussi à la guérir, il introduisit les cas étudiés dans le service des maladies magiques de Sainte-Mangouste et obtint un poste d’assistant-médicomage, du fait de la qualité de son étude et de son travail pendant le stage associé. A ses débuts à Sainte-Mangouste s’ajoutèrent  les débuts à l’Ordre du Phénix, les parents de Jane ou les siens étant prêts à garder la petite Emily chaque fois que c’était nécessaire.

La montée de Celui-Dont-On-Ne-Prononçait-Pas-Le-Nom s’accrut avec les années. Emily grandit et passa à son tour par Poudlard, une courageuse Gryffondor à la grande surprise de ses parents, qui en furent pourtant très fiers. De son côté, acharné du travail et attentif à ses patients, Lawrence fit ses preuves et passa d’assistant à médicomage officiel. Quand sa fille eut l’âge de rejoindre l’Ordre du Phénix à son tour, Lawrence avait la responsabilité d’une demi-douzaine de ses collègues et d’une salle de son service. La naissance de sa petite-fille vint couronner le bonheur de l’homme qui envisageait l’avenir avec espoir.

La vie ne devait pas lui permettre cet espoir. Environ un an avant que Celui-Dont-On-Ne-Prononçait-Pas-Le-Nom soit vaincu par le petit Harry Potter, toute la famille Rochester se lança dans une mission visant à préserver un quartier moldu menacé par les Mangemorts. La bataille fut terrible. Dans les deux camps, il n’y avait aucun quartier. Lawrence vit avec horreur tomber sa femme, puis sa fille et son beau-fils, sans pouvoir les sauver. Le sortilège qui les avait frappé était celui de la mort, aucun médicomage ne pouvait lutter contre ça. Un sort lui frappa la jambe et il s’écroula, sa tête heurta le sol et il perdit conscience, persuadé qu’il ne se réveillerait pas.

Il se réveilla. Un membre de l’Ordre l’avait ramené à Sainte-Mangouste, pas dans son service, cependant, mais dans celui sortilèges. Une douleur lui parcourait la jambe, une autre l’âme toute entière. On lui expliqua que le sort qui avait touché sa jambe était de la magie noire et qu’on ne pouvait complètement réparer les lésions. La douleur s’atténuerait sûrement avec le temps. Elle ne s’atténua pas. Avait-il mal de la jambe, de la perte de ses êtres chers, des deux ? Lawrence n’essaya pas d’analyser. Il avait mal et les potions ne pouvaient que rendre la douleur supportable, dans le meilleur des cas.

Il reprit son poste à Sainte-Mangouste, veillant sur sa petite-fille, de quelques mois, orpheline désormais. Il ne lui restait plus qu’elle, à elle, il ne restait que lui, les deux membres d’une famille brisée. Mais Lawrence tint le coup. A soixante ans, alors que sa princesse était sur le point de finir sa scolarité, Lawrence se vit proposer la tête du service des virus et microbes magiques dans lequel il travaillait depuis le tout début. A force de patience et de travail, il avait atteint le but qu’il s’était fixé, même si Jane n’était plus là pour le voir et s’en réjouir avec lui. Mais il lui restait quelqu’un.

Et puis, ce fut le drame. Lorsque sa petite-fille lui présenta l’homme dont elle était éprise, Lawrence ne vit pas l’homme, rien que le nom. Un nom synonyme de partisan de Vous-Savez-Qui, ni plus ni moins. Peu importait que la jeune femme lui explique que son bien-aimé n’adhérait pas aux principes de la famille, Lawrence ne voulait rien entendre, et il commit sa plus grande erreur. Il affirma à sa petite-fille qu’il refusait d’être lié à cette famille, quoi qu’il advienne. Un ultimatum. Il aurait mieux valu ne rien dire. La jeune femme répondit en choisissant l’élu de son cœur, se détournant de son grand-père.

Voilà treize ans désormais que Lawrence était seul. Il avait sûrement des arrière-petits-enfants, certains à Poudlard peut-être bien. Mais il ne les connaîtraient sans-doute jamais. Le regrettait-il ? Oui, évidemment. Mais il ne pouvait pas mettre son orgueil dans sa poche pour aller le dire à son enfant. A-partir de là, il y avait peu de chances que ce soit elle qui revienne vers lui. Depuis, son humeur devenait des plus exécrables et il fallait toute la patience et la compréhension de son équipe pour que le service continue à tourner, mais il était encore un médicomage de qualité. Et puisque la vie lui tournait le dos, il la vivait comme il l’entendait.