Plus jamais ça

“C'est difficile de savoir quoi faire de sa tristesse.”

Allongé sur le lit de l'infirmerie, Graham observait le plafond. Il avait mal dormi et la sonnerie du déjeuner l'avait réveillé en sursaut et en sueurs. La veille, il avait demandé à Aodrena de ne mettre au courant personne. Ils l'apprendraient assez tôt. Autant ne pas les tracasser. Surtout ses frères : ils avaient d'autres chats à fouetter. En attendant, il n'avait pas le droit de quitter l'infirmerie. Pas tant qu'il n'allait pas mieux. De plus, ayant reçu des coups multiples à la tête, l'infirmière préférait garder un œil sur lui. Elle le força même à avaler un verre de jus d'orange et un morceau d'omelette. L'horreur. Il cru qu'il allait remettre le tout en règle.

Il était ainsi, dégoûté face à son assiette et en train de touiller dans son omelette en espérant qu'elle disparaisse lorsqu'un visage fantomatique bien connu apparu dans la salle. Mine interrogatrice, le serdaigle observait le manège du Moine Gras qui se dirigea vers le livre des admissions avant de le regarder. « Graham Ollivander ? »

« Euh oui... »

« Bien ça... Bonne journée à vous ! » Et le fantôme parti sans un mot de plus, laissant le jeune Ollivander à ses sombres pensées. Les fantômes étaient incompréhensibles des fois. Haussant douloureusement les épaules, Graham se força à terminer son déjeuner sous le regard insistant de l'infirmière. Il avait presque l'impression d'avoir sa mère clonée et transformée. Déglutissant difficilement, il repoussa finalement l'assiette presque vide. Fermant les yeux, il essaya de se rendormir pour ne pas repenser à tout cela. Pour ne pas repenser à la mort de son grand-père et pour ne pas repenser à la douleur qui vrillait encore ses côtes et son visage tuméfié.

Le bruit du raclement d'une chaise sur le sol l'arracha de son demi-sommeil. Tournant la tête vers son visiteur, il ne put afficher que de la surprise. Il se serait attendu à un de ses frères ou à James...voire même à Lucie qui partageait sa salle commune mais pas à Oliver. Bon c'était un super bon ami c'était sûr mais c'est juste qu'il n'aurait pas pensé qu'il serait le premier à lui rendre visite. Laissant la main de ce dernier le forcer à le regarder dans les yeux, Graham lâcha une légère grimace en voyant l'inquiétude mêlée de colère dans les yeux de son ami. Puis il y eut cette phrase. Si douce et à la fois si... menaçante. Graham hésita un moment à répondre. Après tout, il les avait déjà balancé à Aodrena, n'était-ce pas suffisant ? Cependant, le regard insistant de son ami le perturbait. On aurait presque dit qu'il essayait de lire dans ses pensées. Soupirant profondément (en s'arrachant une grimace de douleur par la même occasion), le jeune serdaigle ferma les yeux avant de lâcher d'une voix lasse.

« Flint. Et sa bande. »

Rouvrant les yeux, il secoua la tête doucement avant d'ajouter. « Mais je m'en fiche. Je veux juste récupérer ma baguette moi... » Sa voix se craqua sous ses propos. Il se rappela du jour où son grand-père lui-même l'avait emmené dans la boutique.

« Tu es un peu jeune Gramy, normalement c'est pas avant cet été...Mais comme tu es sage, tu vas pouvoir découvrir ta baguette. »

Les yeux brillants, le jeune Ollivander avait donc regardé les étagères remplies de baguettes. « C'est toi qui as tout fabriqué ? »

« Non, tu sais il y a des baguettes de chaque Ollivander ici. De chaque fabricant de baguettes de la famille. »

« Y en aura à moi plus tard tu crois ? »

« Qui sait... En attendant, trouvons donc celle qui sera la tienne. »

Et il ne fallu pas bien longtemps. Son grand-père lui expliqua alors son origine et comment il l'avait forgée... Et désormais elle était disparue. Introuvable. A cause de Flint.

Et bien plus que les blessures, c'était ça qui lui tordait le ventre, c'était ça qui lui arrachait des larmes amères alors que de plus en plus il pensait ne jamais la retrouver.

Plus jamais ça

“Un des plus grands bonheurs de cette vie, c'est l'amitié ; et l'un des bonheurs de l'amitié, c'est d'avoir à qui confier un secret.”

La rage d'Oliver avait quelque chose de surprenant pour le jeune aiglon. Encore sous le choc, ce dernier ressentait plus d'apathie qu'autre chose. La tristesse et la douleur de la perte de sa baguette cumulée au décès de son papy Garrick l'empêchait de s'énerver : il n'en avait plus la force. En attendant, il se mordilla les lèvres en regrettant d'avoir évoqué la perte de sa baguette. En effet, le regard noir du poufsouffle avait quelque chose de vraiment effrayant... Surtout quand on le connaissait jovial et bout-en-train. Cela détonnait complètement avec le Brownie habituel.

Secouant la tête négativement, Graham ferma légèrement les yeux en sentant celle-ci lui tourner. Difficile cependant de savoir si cela était à cause des coups de la veille ou à cause des potions qu'il avait dû avaler. En attendant, il regarda avec un léger sourire un des avions d'Oliver. Il aimait les inventions de ce dernier. C'était vraiment de la belle magie. Pratique de plus. Il allait se faire un nom terrible une fois hors de Poudlard. Et Graham l'aura vu grandir et se faire connaître. Cela avait quelque chose de grisant.

Fronçant les sourcils en voyant son aîné sortir sa baguette magique, Graham réalisa trop tard qu'il voulait détruire cet avion et lorsqu'il se redressa et que sa main attrapa le bras de son ami, l'engin était déjà parti en fumée sous le regard incompréhensif du jeune Ollivander. « Pourquoi ? » Lui demanda t-il d'une voix penaude avant de relâcher sa prise sur le bras de son ami. « Je les aime bien moi tes avions... comme toutes tes inventions tu sais... » Puis ces derniers lui permettaient de penser à autre chose qu'à tout ce merdier dans lequel il s'était fourré. « Faut pas détruire tes inventions tu sais. C'est comme si moi je détruisais mes baguettes. Bon ok pour l'instant je fais que l'apparence mais même... Faut pas détruire ça, c'est un peu de toi non ? »

Comme sa baguette désormais disparue... D'ailleurs Graham grimaça légèrement en se souvenant des propos précédent le crash de l'avion. « Au fait Brownie, ils m'ont pas pris ma baguette... » *Ils me l'ont fait perdre en me tabassant*... Retenant cette partie de la phrase, le jeune serdaigle dévisagea son aîné en hésitant de tout lui balancer. Se triturant les mains, il ne savait trop que faire. Et s'il lui avouait tout ? Irait t-il le répéter à Grim ? Ou James ? Graham ne tenait pas à les tracasser plus qu'ils ne le seraient en le découvrant à l'infirmerie. Mais il en avait gros sur le cœur et le silence commençait à sacrément le peser.

Soupirant profondément en regardant ses mains plutôt que le regard d'Oliver, Graham lâcha dans un chuchotement quasi inaudible. « J'ai voulu me défendre avec mais ils frappaient si fort que je l'ai lâchée. J'ai aucune idée de l'endroit où elle est tombée. » Lançant un regard de détresse au poufsouffle, il repris d'une voix un rien plus forte. « Mais ne dis rien aux autres. Tu connais Grim... Il s'en voudrait alors que c'est juste de ma faute. J'ai été con de leur tenir tête. Je savais que ça allait mal finir. » Sourire crispé, Graham essayait à nouveau d'éviter la confrontation de leurs regards. Il ne voulait pas de pitié. Il ne voulait pas être jugé. Il voulait juste récupérer sa baguette, et que ces sales moments finissent un jour.

Plus jamais ça

“Je t'en veux larme soudaine D'ainsi réveiller ma peine Comme si pleurer m'interdisait D'oublier.”

Le jeune serdaigle se sentait au bord du précipice. Les yeux rivés sur l'avion en cendre d'Oliver, il se demandait comme cette histoire pourrait se régler sans faire de dégâts collatéraux. Il regrettait déjà d'avoir lâché les noms de ses agresseurs à l'infirmière alors là... il hésitait encore plus d'en dire plus sur l'altercation. Serrant les poings, Graham lança un regard perdu au poufsouffle. Que devait t-il faire ? Tout lui dire au détriment de Benjamin ? Ne rien lui dire et trahir leur amitié ? Ce dilemme était intenable.

Observant le flacon d'onguent magique trônant sur sa table de chevets parmi d'innombrables potions contre la douleur et des gélules de toutes les couleurs pour diverses raisons que le jeune serdaigle finissait par oublier. En voyant toutes ses potions, le jeune aigle se souvenait des coups et des mots de Flint et ses amis et il n'osait imaginer ce qu'ils avaient pu faire à Benjamin. S'il ne parlait pas pour lui, il devait le faire pour son aîné qui semblait les subir depuis bien plus longtemps. Soupirant, Graham refixa ses mains avant de reprendre la parole. Il avait tellement du mal à en parler que seul un chuchotement s'échappa de ses lèvres. Il lui avoua à mis mots avoir perdu sa baguette dans la bagarre... En même temps vu son apparence, cela devait se comprendre qu'il avait été tabassé en règle non ? Grimaçant, le jeune Ollivander se tracassa soudainement de la réaction des autres en apprenant ça et il s'enquit donc de tenter de dissuader Oliver d'en parler à autrui. Mieux valait éviter d'empirer les choses.

Oliver lui ne semblait que penser à sa baguette. D'un côté cela rassurait Graham... si quelqu'un pouvait bien retrouver quelque chose d'égaré ce serait bien son ami. Il se sentait soudainement mieux avant d'avoir le retour de l'ascenseur émotionnel lorsque le jeune Brown lui parla du fait que son frère et les autres avaient le droit de savoir. Se rembrunissant, Graham laissa une grimace se figer sur son visage avant de secouer la tête négativement.

« Non. Ils n'ont pas besoin de tout savoir. Et je me doute qu'ils seront puni. Madame Bonnefoy l'a déjà dit... mais on approche des BUSE, pas besoin de tracasser Grim...Puis Gildas qui sait ce qu'il pourrait se mettre en tête...Les premières sont inconscients des fois. Quant à James & Lucy, ils se doutent de quelque chose depuis trop longtemps pour que je les laisse se culpabiliser. »

Laissant le silence s'installer légèrement, le serdaigle retourna plusieurs fois l'avion dans ses mains avant de soudainement lancer un regard déterminé à Oliver. « Si on les punit pas, je les punirais moi-même. Je m'en fiche de leurs coups...ça m'est égal. Mais ils s'en prennent à Benjamin Gallagher depuis je sais pas combien de temps au point que ce dernier à l'air complètement détruit. Et en plus il se sont fichus de la gueule de Dumbledore...le vrai hein, pas le chat de Grim. »

Et cela blessait Graham car il savait que son grand-père appréciait profondément l'ancien directeur de Poudlard. Et son grand-père n'était plus là... Plus là... A jamais... Mine renfrognée, le visage de l'aigle se tordit et il le tourna vivement en espérant cacher les larmes qui s’échappèrent brusquement de ses yeux à son ami... Même si au fond de lui il aurait voulu se blottir dans les bras de tous ses amis à cet instant précis tout comme dans les bras de Grim...puis se réveiller et réaliser que tout cela n'était qu'un cauchemar.