Aylen referma la livre. Elle n'était pas particulièrement amatrice de poésie, mais parfois elle trouvait le jeu des sonorités rassurant et particulièrement agréable. Il y avait quelque chose qui l'apaisait dans cette lecture où le sens pouvait parfois laissait place à la sonorité chantante des syllabes. Et en ce moment elle était plus que ravie de pouvoir se détendre de cette façon.
En effet, avec les derniers événements qui s'étaient produits, les moments de calme et de plénitude s'étaient fait rare et difficile à obtenir. Elle devait pratiquement se battre pour les obtenir. Heureusement c'était une bataille à laquelle elle était habituée, aussi avait-elle déjà quelques tours dans son sac pour parvenir à réchapper à l'agitation du château, surtout en week-end.
Et aujourd'hui le temps était de son côté.
En effet, une bruine légère tombait sur le château, entrecoupé de quelques instants de répits avant de reprendre avec plus ou moins d'intensité. Lire n'était pas commode avec ce temps, mais elle se débrouillait. Elle avait notamment protégé les livres à l'aide d'un sort pour que l'eau ne puisse pas les atteindre, les rendant ainsi complètement étanche. C'était un sort qu'elle avait appris plus jeune et qui lui avait toujours été très utile dans sa recherche de solitude.
Solitude qui n'allait pas tarder à être perturbée.

En effet, bientôt une ombre fut projetée sur elle lorsque quelqu'un l'approcha. Visiblement le fait qu'elle soit seule dehors avec un épais grimoire ouvert sur les genoux – elle avait abandonné la poésie une petite demi-heure plus tôt – n'était pas suffisant pour indiquer qu'elle voulait être seule. Elle ne releva pas les yeux vers la personne, se disant qu'avec de la chance, si elle l'ignorait suffisamment longtemps elle partirait d'elle-même.
Bien sûr, ça aurait pu être quelqu'un qu'elle voulait voir, mais la seule personne qu'elle tolérait vraiment ces derniers jours était à un entraînement de Quidditch. Autant dire que ça réduisait vraiment la sélection.
Dans tous les cas, la personne ne sembla pas voir tous les signes ou choisit de les ignorer puisque malgré  tout elle prit la parole et Aylen grinça des dents en entendant sa voix.

Le regard vert perçant se posa sur Dominique qui trébuchait déjà sur les mots qu'elle prononçait. Aylen resta assise en l'écoutant.
Elle s'excusait.
Elle semblait sincère dans ses paroles et la vert et argent la croyait, très certainement, mais elle avait toujours au fond de l'estomac cette sorte de pression, comme si ses entrailles refusaient d'entendre quoi que ce soit de ce que lui disait la Weasley. Sa réaction viscérale ne se limita pas à ça, et elle faillit partir sans prendre la peine d'écouter la fin.
Toutefois, elle se força à rester.
Et autant la première partie était correcte, autant la fin... Aylen ne put honnêtement que hausser un sourcil blasé alors qu'elle se décidait enfin à se lever en fermant son livre. Elle dominait Dominique d'une tête et elle se pencha vers elle, posant la tranche de son livre contre elle.

« Dans d'autres circonstances j'aurais volontiers accepté tes excuses. Je ne vois pas l'intérêt de prolonger les conflits sans bonne raison, surtout si les excuses sont sincères. Mais... » Elle retira son livre et le glissa sous son bras. « Je ne suis pas la seule personne lésée ici. Si tu t'excuses auprès des autres, je veux bien te pardonner. »
Après tout, c'était aussi en parti ce qui l'avait énervé. L'inconséquence qu'elles croyaient que leurs actes auraient. Rien n'arrivait jamais sans réaction derrière, c'était la base même de la vie. Une action entraînait une réaction neutre que notre morale interprétait comme bonne ou mauvaise, et il était aberrant qu'elles aient crus une seule seconde que créer un philtre d'amour pouvait apporter la moindre bonne chose, même si elles ne comptaient pas s'en servir.
Fort heureusement, peut-être que cette fois-ci elles auraient retenu la leçon.
« Et au-delà des circonstances je trouve ton manque de sensibilité quelque peu déstabilisant. Tu es la descendante d'une des familles les plus acclamées de Grande-Bretagne aujourd'hui, tu devrais peut-être apprendre à faire preuve d'un peu plus de considération. » Son ton était calme, presque détaché, si on oubliait la légère condescendance qu'elle adoptait. « Aussi tu seras certainement ravie d'apprendre, je vois déjà une psychomage, qui était une des nombreuses conditions de mon retour à Poudlard, tu sais, depuis que je suis redevenue adolescente. Mais ce n'est pas simplement en parler qui va faire changer les choses. »
Et c'était vrai, toutefois Aylen – qui avait croisé les bras en se redressant avec majesté – sous-estimait le soulagement qu'elle pourrait éprouver simplement en parlant de tout ce qui pouvait la tracasser. Toutefois ce n'était jamais simple : Aylen savait user de sa langue acéré mais avait bien du mal à la dompter suffisamment pour qu'elle crache ce qu'il fallait, et même lorsqu'elle y parvenait elle se trouvait bien reluctante à le faire.

Aylen était satisfaite que Dominique accepte de s'excuser mais elle ne laissa rien paraître, se contentant de lui offrir un hochement de tête approbateur. Elle était sur la bonne voix, non seulement pour que les autres – et elle-même – lui pardonnent, mais aussi pour accepter de se pardonner et se débarrasser de la culpabilité qui devait l'avoir saisi pour la pousser à venir chercher Aylen pour lui parler. Le fait qu'elle accepte la demande de la rousse était un excellent signe aux yeux de celles-ci : elle n'était pas encore une cause perdue.
Bien sûr elle n'avait pas l'autorité ultime sur le sujet, mais il y avait des personnes auprès de qui elle était plus à même de faire des efforts que d'autres, et si elle voyait que ceux-ci étaient en mesure de s'asseoir sur leur fierté, de s'excuser, d'admettre leurs erreurs, alors elle devait bien admettre que quelque part ils devaient en valoir la peine. Car il existait une différence majeure entre ceux désireux de s'excuser pour obtenir le pardon et ceux en mesure de s'excuser et d'accepter que le pardon ne leur soit pas accordé immédiatement. Avoir la maturité de comprendre la colère d'un autre n'était pas donné à tout le monde.
Il était important de donner leur importance à ceux capable d'aller au-delà d'eux-même pour atteindre les autres et les comprendre.

C'est sans doute pour ça qu'elle ne chassa pas immédiatement la Weasley pour qu'elle aille se mettre à la tâche et qu'elle s'ouvrit un peu plus au dialogue. A la réponse de Dominique sur le sujet de sa situation Aylen s'assit de nouveau sur le banc et adopta une posture bien moins défensive, posant ses bras sur le bord de celui-ci.
Elle ne semblait pas comprendre les difficultés que pouvaient représenter des situations comme elle vivait. Et c'était normal. Elle venait certainement d'une famille où tout le monde était heureux et normal et où ils étaient ouverts d'esprits. Chez elle tout n'était sans doute pas manœuvre pour assurer l'avenir du corps familial. C'était d'ailleurs sans doute pour ça que les sang-pur tendaient à finir à Serpentard : ils étaient incroyablement soudés. Un nom contre le monde. Et le reste importait peu.
Cette éducation faisait de la plupart des sang-purs de la génération qu'elle avait connu de parfait vert et argent en tout cas.

« Mon père est à Azkaban. » Sa voix resta neutre lorsqu'elle lâcha cette information. C'était un simple fait. C'était même un fait connu à l'époque de sa scolarité : combien de fois lui avait-on balancé ça à la figure ? Sans doute assez souvent pour que ça ne lui fasse plus rien. Elle haussa les épaules. « C'était un mangemort, j'ai témoigné contre lui quand j'avais environ dix ans pour mettre ma sœur et moi à l'abri. Je n'ai jamais dit qu'il avait encore le moindre pouvoir physique sur moi lors de la... dispute. » Le mot était faible. « Je suis sous la tutelle de ma jumelle, quoique maintenant ce n'est plus vraiment ma jumelle avec la différence d'âge. » Son ton était presque monotone lorsqu'elle disait tout ça, presque comme si elle avait abandonné. Elle se redressa un peu et lia ses mains en se penchant en avant, coudes appuyés sur ses genoux. « Donc concrètement je ne risque rien d'un point de vue physique. » Elle leva les yeux vers elle, plutôt perplexe.
Elle lui fit signe de s'asseoir à côté d'elle.

« Tu as tout de même compris qu'en soi je ne parlais pas qu'en mon seul nom ? Que je ne me suis pas énervée seulement pour moi, mais aussi pour tous ceux qui ne pouvaient pas ? » Elle pinça les lèvres avant de continuer calmement, les sourcils froncés. Sa voix était paisible mais ne souffrait d'aucune interruption de la part de qui que ce soit, l'élevant si on tentait de l'interrompre. « Je viens d'une génération où ce genre de comportement aurait pu tourner de façon bien pire. Et aujourd'hui les choses vont peut-être mieux mais ce n'est pas le cas de tout le monde et beaucoup ne peuvent pas se défendre sans prendre des risques. Des personnes comme Absolan par exemple. » Elle savait qu'évoquer leur ami commun fonctionnerait, même si elle dérivait un peu, mais les faits sont là : si tu ne peux pas défendre tes intérêts sans prendre de risque alors c'est que tu es en position de faiblesse. Et c'était pour toutes ces personnes aussi qu'Aylen avait parlé.

« Le fait est que tu n'as pas à t'en faire tu sais ? Tu auras toujours des gens de ton côté et tu seras toujours pardonnée. Parce que tu es appréciée. Et les gens pardonnent bien plus facilement sur la base de leur appréciation que de leur morale. C'est aussi pour ça qu'il est important que tu t'excuses. Pour que tu montres qu'un tort a bien été commis et que tu le reconnais, et le reconnaître te grandira bien plus que l'ignorer. » Elle la regardait toujours, s'exprimant clairement et sans rancœur, expliquant calmement. Oh, pas comme on le ferait avec un enfant, mais bien comme on le ferait avec un égal. « De cette façon les rancunes n'auront plus lieux d'être, ou tout du moins elles s’apaiseront largement et Poudlard pourra redevenir paisible. »

Définitivement, Aylen était bien plus pédagogue losqu'elle ne se laissait pas emporter par ses émotions. D'ailleurs, elle réalisait aussi qu'elle devrait peut-être s'excuser de l'avoir frappé... Elle verrait bien. Pour le moment elle voulait voir si Dominique avait au moins compris ce qu'elle voulait dire.

Spoiler:

La discussion avançait et Dominique semblait comprendre la plupart des choses qu'Aylen lui disait. Ou en tout cas c'était ce qu'elle prétendait et honnêtement l'adolescente n'allait pas s'amuser à aller vérifier – même si elle n'en avait pas les moyens.
C'était toutefois une bonne chose qu'elle ne parle pas de sa vie dans le vide. Elle n'en avait aucune honte en soi – ce qui lui était arrivé n'avait jamais été un secret concrètement – et n'en parlait généralement pas pour la simple et bonne raison qu'elle aimait conserver sa vie privée. Mais à ce stade là... elle n'était plus à ça près.
Aussi à la place elle se contenta de poursuivre la discussion.
Elle exprima ses raisons d'agir comme elle l'avait fait – bien que de façon sans doute un peu cavalière. Mais ça ne l'arrêta pas, d'autant plus que Domi se montra des plus matures.

Aylen eut une vague de sympathie pour l'autre adolescente. Elle ne trouverait pas le repos tant qu'elle ne connaîtrait pas l'étendue exacte des dégâts ? C'était de biens grands mots que tout ça, mais la vert et argent le respectait. Au final elle n'avait peut-être pas été si mal éduquée que ça, ou en tout cas elle avait apparemment plus de principes que l'incident l'avait laissé présumé.
Elle allait répondre, dire qu'elle était contente qu'elle soit ainsi au final – bien qu'elle n'allait certainement pas user de ces termes – mais ses lèvres se scellèrent lorsque Dominique revint sur un point précédent.
What the fuck Weasley ?
La plus jeune des Nott n'avait jamais su comment prendre un compliment pour être tout à fait honnête. Juste savoir qu'elle avait raison lui suffisait en général. Elle n'y était pas habituée, pas venant d'un de ses pairs aussi elle dû faire preuve de tout le contrôle possible et imaginable pour ne pas laisser percevoir sa gène. Heureusement que les paroles furent un peu durcies par l'aveu de Dominique : elle n'avait jamais apprécié sa façon d'être. Voilà, elle préférait ça.

Aylen s'éclaircit toutefois la voix en détournant le regard, ramenant ses cheveux en arrière, seuls signes de sa brève gène. Elle finit par regarder de nouveau devant elle et haussa les épaules.
« Non, ce n'est pas dans mes habitudes. Ce n'est pas vraiment comme ça qu'une meilleure humanité s’élèvera un jour. Mais bon, peu importe, ce qui compte c'est que tu as compris. » Elle tourna le regard vers Dominique. « Tu peux être une fille bien, Weasley. Je ne sais pas si on peut en dire de même des autres membres de ta famille, mais je suppose que l'avenir seul le dira. » Certaines remarques lui étaient resté en travers de la gorge malgré le recul qu'elle avait essayé de prendre sur les événements. « Tout ça pour dire que je suis désolée de t'avoir frappée, je me suis laissée emporter par la colère. Ce n'est pas la meilleure réaction que j'ai eu à ce jour. »
Il était vrai que ce n'était pas le meilleur moyen de calmer les choses ou d'agir de façon responsable. Mais comment aurait-elle pu réagir autrement, honnêtement ? Elle n'était pas de ceux qui évitaient les confrontations, même si ça amenait des erreurs. Parfois il fallait prendre le taureau par les cornes.