Cela ne vous étonnera peut-être pas, mais je suis née en Irlande, près de Dublin. Je n'ai pas une vie très originale. J'ai grandi avec ma mère qui m'aimait beaucoup. Elle a relégué tout l'amour qu'elle avait sur moi suite au départ de mon père. Il nous a quitté pour un autre homme, ça ne m'a jamais dérangé. Pourquoi aurait-ce été le cas ? Ma mère m'aimait pour mille. Je l'aime aussi beaucoup, énormément. A la folie. Jusqu'à ce que la magie nous sépare et rende ma mère folle. Littéralement. Elle ne cessait de dire que j'étais l'enfant du diable, que j'étais possédée par un démon, que le père Noël ne viendrait pas au prochain mois de décembre, que je n'avais nul autre avenir que les enfers de la rue.
Elle n'avait pas tort sur ce dernier point. Je ne travaillais pas à l'école. Je me fichais de tout. Rien ne me semblait assez intéressant. La magie changea mon point de vue sur l'univers tout entier. Ce monde terriblement ennuyeux était devenu un mystère. Et j'allais tout découvrir.
Je me suis montrée un peu ambitieuse sur ce coup-là. Je ne saurais jamais tout, aussi intelligente et cultivée que j'avais pu devenir, et je me retrouvais très vite dans une impasse. Une véritable impasse au coin de la rue dans laquelle j'ai passé ma première nuit. Je m'explique : ma mère ne supportait plus mon existence démoniaque depuis trois ans. J'ai découvert mes pouvoirs à six ans en transformant ma poupée en chat. Elle a essayé d'oublier, de ne plus penser aux choses bizarres qu'il m'arrivait de faire. Jusque-là, c'est classique. Mais à neuf ans, j'ai ramené deux copains d'école à la maison. Un garçon, une fille. J'ai dit à Maman : je vais me marier, mais je sais pas avec lequel des deux. Choisis.
C'est innocent, pour un enfant, n'est-ce pas ? Mais lorsqu'elle apprit que j'avais été contre son choix et que j'étais restée avec la fille pour faire de la magie avec elle, ça l'a mise en rogne et elle m'a virée. Pour deux jours. Après j'ai été la menacer d'appeler la police et elle s'est calmée. A neuf ans, vous vous rendez compte ?
J'ai l'impression de raconter une histoire dingue alors qu'en vérité elle reste terriblement banale. Je recherche encore l'engouement. J'aimerais me lever et être enjouée. Avoir envie de faire quelque chose en particulier. Mais ce n'est jamais le cas.
Je suis entrée à Poudlard peu de temps après avoir reçu ma lettre. Ma mère était à la fois contente et malheureuse de me voir partir. Contente de ne plus avoir son démon à la maison, malheureuse de se retrouver seule.
J'ai beaucoup appris à Poudlard, dans tous les domaines possibles. J'avais une étrange réputation, mais je réussissais toujours à avoir le dernier mot dans toutes les histoires. En sept ans, j'avais appris à cacher ma vie banale derrière une extravagance joviale et des aventures imaginaires. La nuit, dans ma ville natale, je m'habille en noir et vais combattre le crime.
Ce n'est pas vrai.
Je n'aime pas raconter ma vraie vie, car il n'y a rien à dire. Je dois vous avouer que rien de ce que j'ai raconté est vrai.
Mes véritables parents sont morts à Varsovie pendant la Deuxième Guerre Mondiale moldue. Ça aussi, c'est faux. Et très peu probable.
Je n'ai pas envie de vous dire qui je suis. Je vais rester brève. Je suis née quelque part en Irlande du Nord. J'ai toujours aimé la lecture fictive. J'aime apprendre. Je suis née moldue, j'ai découvert mes pouvoirs en éternuant de la glue orange à sept ans. Je n'ai ni amour ni haine envers Poudlard. Je pourrais y passer ma vie comme ne plus jamais y retourner. Alors, au fond, ça ne me dérange pas d'y travailler.
J'ai postulé. Mon cursus a dû leur plaire. Ou ils étaient désespérés. Je ne sais pas. Je m'y connais beaucoup en fiction, vous savez ? J'aurais aimé en être une, et être déposée là sur une étagère. On m'aurait lue, on m'aurait aimée, haïe, ignorée. Peut-être que j'en suis une, au fond, de fiction. Vous pourriez dire n'importe quoi à mon sujet, je ne démentirai pas.
Je m'en fiche totalement. Vous n'avez pas à savoir qui je suis derrière mon poste de bibliothécaire. Je m'occupe des livres et de l'immense lieu qu'est la bibliothéque de Poudlard. Il est peu probable que vous en sachiez plus un jour. Pour cela, il faudrait déjà que vous parveniez à me vaincre. Mais vaincre qui ? Comment ? Pourquoi ?
Ça, c'est votre affaire Je ne suis qu'une bibliothécaire après tout. Je ne suis jamais la même. Je vous trouve tandis que vous me cherchez. Ce n'est pas un jeu, c'est une triste banalité. La vie ne me semble pas réelle. Je préfère l'imaginer autrement, ainsi elle me paraît moins fade. Je m'arrête là. Pensez ce que vous voulez de moi. Un morceau de mon visage est au cœur de chaque ouvrage.
Bonne lecture.