J’aimais les surprises. Je vous avais déjà que j’aimais les surprises ? Non ? Eh bien, voilà chose faîte. Le grand farceur qui était moi adorer surprendre les gens. Et une magnifique opportunité s’offrait à moi aujourd’hui. N’ayant pas fini mon travail de journaliste dans le petit village non loin de l’école de sorcellerie, j’avais tout le loisir de pouvoir m’y balader. Mains dans les poches de mon pantalon de costume, je me frayais un chemin dans cette foule de gens curieux. Ce n’était pas tous les jours que l’on voyait un homme de ma carrure habillé comme un moldu. Je n’avais pas dit bonjour au rasoir non plus. Honte à moi.

Mais j’avais fait l’effort de me rendre chez le coiffeur ! Quelle surprise n’est-ce pas ? J’en avais un peu marre de manger des mèches à chaque fois que je parlais. Mais ce n’était que provisoire, mes boucles sauvages me manquaient déjà.

Les rayons matinaux du soleil se dessinaient dans le ciel nuageux et je souris face à la fraîcheur du vent. Je fis tout de même attention de ne pas garder la tête trop relevée, ce n’était pas le moment de me prendre quelqu’un. Une sorcière surtout, je n’aimerais pas qu’elle tombe sous mon charme alors que je tentais de rejoindre une autre demoiselle. D’ailleurs, il fallait que je surveille les anciennes. Dans un grognement, je tirai sur le col de ma chemise, ne pouvant –hélas- pas desserrer le nœud de ma cravate. Si je le faisais, j’allais devoir demander de l’aide à quelqu’un pour me la remettre correctement. Oh et puis merde. Je tirai un bon coup dessus avant de la fourrer dans ma poche. Ni vu ni connu.

D’un geste, je vérifiai l’heure sur ma montre et souris. Pile à l’heure pour l’ouverture, ce n’était pas merveilleux ça ? J’avais tellement hâte de revoir Caelia, ma blonde préférée. Il était difficile de se voir à cause de nos emplois du temps chargés et de ma manie à disparaître dans les quatre coins du monde. Les lettres ne me suffisaient plus au bout d’un moment, les mots couchés sur le papier n’avait pas le même effet que lorsqu’ils s’échappaient de ses lèvres. Et puis je ne pouvais pas l’embêter comme j’aimais le faire. Je devais avouer que, parfois, je me posais de certaines questions sur mon attachement par rapport à elle, mais ne prenait jamais le temps de réellement y répondre.

Je passai une main dans mes cheveux et me glissai entre deux sorciers qui semblaient en plein débat. Je levai mon regard vers l’enseigne non loin de moi et frappai dans mes mains, manquant de tuer la pauvre vieille qui passait là. Je me postai juste devant la porte, encore fermée, et plongeai mes mains dans mes poches. Je laissais une chanson se dérouler dans mon crâne, comptant les secondes comme un enfant comptant les minutes devant l’horloge de la salle de classe. J’avais eu la délicate attention de ramener quelques viennoiseries de la meilleure boulangerie de Londres. Je remerciai mon habilité à transplaner. Le voyage en voiture, balai ou même cheminée aurait tué toute la saveur et la délicatesse des pâtisseries.

Ah ! Enfin ! La porte s’ouvre !

Je n’eus pas le temps de me demander ce qu’il se passait. Une crinière blonde m’obstrua la vue et des bras s’enroulèrent autour de moi. Je retins un rire et lui rendis son étreinte avec entrain. Elle n’avait décidément pas changé, tout comme son parfum. Mes doigts faisaient bien attention de garder le sachet de viennoiseries. Ce n’était pas le moment de les faire tomber, je n’avais rien avalé ce matin. Mon estomac allait m’engueuler sévèrement si je lâchais son repas.

La rue revint percuter mes yeux tandis qu’elle s’éloignait de moi. Je m’autorisais un regard dans sa direction. Elle prenait toujours aussi bien soin d’elle, décidément, elle était tout à fait mignonne comme ça. Je me retins de faire un commentaire, ne voulant pas me faire taper gentiment dessus. Je me contentai d’un simple sourire légèrement amusé. Elle, par contre, ne se gênait absolument pas pour commenter ma tenue et ma coiffure. Je la laissais faire, depuis le temps ! Elle pouvait se le permettre.

Mes pas me conduisirent à l’intérieur et j’embrassai la pièce du regard. Les fringues étaient partout. J’avais une soudaine envie de me débarrasser de mon costume pour enfiler un pull et un jean confortable. Mais ma tenue chic semblait plaire à Caelia, autant que je la garde pour ses beaux yeux. « Je suis allé chez le coiffeur. Incroyable n’est-ce pas ? Obligation du patron. » dis-je en haussant les épaules « Mais ça me va plutôt bien alors je me plains pas. » Un petit clin d’œil dans sa direction avant que je ne pose le sachet de viennoiserie sur le comptoir.

Je tirai sur le col de ma chemise avant de faire mon mannequin. Bien sûr je me moquais, je n’étais en rien sérieux. « Attention tu baves chou. » Un rire s’échappa de mes lèvres alors que je déposai un baiser sur le sommet de son crâne. « Toi aussi tu es bien mignonne. » Je m’appuyai contre le comptoir, ne la quittant pas des yeux. « J’espère que je ne dérange pas. Mais j’avais très envie de te voir. Attends ça serait bête de passer à Pré-Au-Lard sans venir t’emmerder un peu ! »
Je ris de nouveau avant de mordre dans un croissant « Je t’ai ramené quelque chose à grignoter. Quel ami attentionné je fais. Bon je t’avoue que c’est surtout pour moi. Je n’ai pas eu le temps de manger. Je voulais être le premier présent. »

Quelle merveilleuse hôte elle faisait à vouloir mon confort. Je lui offris un sourire assez ridicule. Un bout de croissant dans la bouche et des miettes sur les lèvres, on aurait dit un gamin. Après tout, c’était ce que j’étais. Un gosse malpoli dans le corps d’un adulte. Bon d’accord, j’exagérais, mais je n’étais pas lui plus doué des hommes pour décrire ma personne. En même temps, seuls les narcissiques réussissaient à accomplir cet exploit !

« Oh tu sais, ça ne me dérange pas d’être debout. Je passe presque toute ma journée debout, mieux vaut que je bouge un peu. » Je n’aimais pas du tout l’idée de rester assis sans pouvoir me dégourdir les jambes, mais c’était un peu mon quotidien avec le dossier que je devais faire. Moi qui avais l’habitude de voyager et de marcher des heures afin de pouvoir accomplir mes objectifs, me voilà complètement perturbé.

Je baissai un regard surpris vers ma tenue avant de le planter dans celui de Caelia. « Ca ? » Son sourire fut contagieux et je manquais de mourir étouffer avec un croissant. Je posais le sachet en frappant mon torse. Quelle virilité. J’étais littéralement en train de m’humilier devant elle, bon elle devait sûrement avoir l’habitude. Je secouais la tête « Par contre si tu as de l’eau… Histoire que je ne décède pas. »

Je me raclais la gorge en tirant légèrement sur le col de ma chemise. Je ne touchais plus aux viennoiseries. Réponde à ses questions. « Depuis… » Je toussotai « Depuis que mon patron a reçu des plaintes de certaines personnes. Ils trouvent ça scandaleux de se faire interviewer par quelqu’un qui porte des tongs et des shorts » Je levai les yeux au ciel « Les gens deviennent snobs. »

Je retirai ma veste pour la poser tranquillement dans un coin en remontant les manches de ma chemise. « Je ressemble à un mannequin. » Et pour confirmer mes dires, tout en me moquant, je pris la pose la plus ridicule que le monde n’ait jamais connu. « Strike a pose ! » On disait souvent que le ridicule ne tuait pas et heureusement. J’aimais toujours faire des bêtises avec Caelia dans les parages. Elle me donnait cette envie de croquer la vie à pleines dents et de la faire rire.

Le verre d'eau fut une véritable bénédiction pour ma gorge sèche, je bus quelques grandes gorgées avant de déposer le verre sur le comptoir, passant une main dans mes cheveux peu habitué de les avoir si courts. Mon dieu j'avais tellement hâte qu'ils repoussent, je ressemblais au plus commun des mortels avec si peu de poils sur le caillou. Et puis, j'étais sûr que Caelia me préférait avec mes belles boucles, et ce qui m'intéressait au fond. Je ne pouvais pas croire que je tombais amoureux de ma chère amie, ça faisait -certes- cliché, mais ça me mettait surtout dans l'embarras. Je n'aurais rien dû dire à Beth, elle risquait de tout faire foirer avec sa grande gueule, il ne me restait plus qu'à l'acheter. Mon salaire allait passer dans les chocogrenouilles et autres cochonneries écœurantes qu'elle adorait.

Comment avais-je pu tomber amoureux de la blonde? C'était bien une question que je me posais depuis des lustres. Ca devait remonter à la fois où Bethany m'avait forcé à venir avec elle, et la blonde, lors d'une soirée. J'avais d'abord refusé avant de craquer devant la bouille adorable de notre chère Pocahontas. Sur le chemin j'avais renoué contact avec Caelia, on avait ri, parlé, discuté. Et je pense que mon cœur n'a pu résister à son sourire. Je n'avais pas tilté sur le coup, mais Bethany avait su me faire entendre raison et puis la jalousie n'était en rien innocente n'est-ce pas? Mais bon, j'étais un gars qui avait connu une seule relation sérieuse. Le reste, c'était des aventures sans lendemain, des déceptions. Et puis Beth... Non je devais oublier.

Mon regard se posa sur Caelia alors qu'elle m'expliquait son point de vue qui restait toujours aussi proche du mien, chose qui me fit grandement sourire. J'aimais discuter avec elle, le temps passait vite et sa présence était source de calme chez moi, sauf lorsque.. Hm. Je m'égarais. Mon cœur loupa un battement lorsque son rire résonna à mes oreilles. J'aimais tellement la voir comme ça, ça me donnait envie de partir à l'aventure. Je délirais. Il fallait vraiment que j'arrête de laisser mes sentiments foutre le bordel dans mon crâne, c'était le meilleur moyen de me faire remarquer.

Je me levai pour me placer à côté d'elle, passant un bras autour de ses épaules pour déposer un bref baiser sur sa tempe. "Merci pour le verre d'eau, tu es ma sauveuse." Et sans rien ajouter, je vins lui chatouiller le cou. Je savais à quel point elle était sensible et à quel point je pouvais être gamin quand l'occasion se présentait. Ne voulant pas me faire réprimander trop rapidement, je m'empressai de la lâcher pour fuir à travers les rayons, manquant d'arracher mon pantalon. La haute couture ne voulait pas que les hommes courent. Je m'arrêtais un peu plus loin, hilare, le regard amusé. Caelia semblait prête à me bondir dessus. "Alors... Tu..." Pas le temps de finir ma phrase que j'entendis des pas à l'étage. Mais, Caelia n'était pas censée vivre seule?