the shadow to my light

L'avenir nous tourmente, le passé nous retient, c'est pour ça que le présent nous échappe

Il ne devait pas être loin de vingt-trois heures, et la quasi-totalité des élèves de Serpentard étaient déjà montés dans les dortoirs, laissant la salle commune des verts et argent vide. Le décès de Lexie devait y être pour quelques choses, car même les couche-tard n'étaient pas présents ce soir pour troubler la tranquillité nocturne. Le taux de fatigue battait des records aujourd'hui. Personne n'avait l'âme de faire la fête. Il serait faux de dire que notre jeune protagoniste était ravagé par la perte de Lexie, qui était désormais d'un autre monde. Ceci dit, il n'était pas aussi affecté que d'autres, puisqu'il ne la fréquentait que très rarement. Elle avait fait partie du mouvement provoqué par Yulrick, mais avait fini par s'en détacher. Chose rare d'ailleurs. Finalement, leur relation n'avait pas davantage évolué. Peut-être avait-il même fini par l'apprécier, au dépens des choses stupides qu'elle avait pu lui dire par le passé. Absolan n'avait juste pas la foi de lui en vouloir. Plus maintenant.

Même Eileen était absente, ce soir. Elle qui d'ordinaire aimait veiller tard, la voilà qui s'était éclipsée peu de temps après que les élèves soient revenus de l'enterrement. Il ne l'avait pas revue depuis, mais ne s'en inquiétait pas. Après tout, la jeune fille était du genre solitaire, et Absolan n'était plus surpris de la voir partir dans son coin. Lui-même avait ses moments d'isolation, puisque c'était le cas présentement. Encore vêtu de sa robe de sorcier, il était assis sur l'un des canapés en cuir noir de la salle commune. Ce dernier était son préféré, car placé en face de l'une des grandes fenêtres donnant sur les profondeurs du Lac Noir. Même à cette heure-ci, on pouvait encore deviner des formes se détacher des ombres, inquiétantes et fascinantes à la fois. L'adolescent aimait les observer, ceci dit ce soir son occupation n'était pas à imaginer la nature des créatures qui passaient à quelques mètres de la vitre. Il tenait un livre fin entre les doigts, à la reliure fatiguée et à la couverture poussiéreuse, fixant un point imaginaire quelque part sur le verre épais de la vitre. Il essayait de se concentrer le plus possible, mais cela n'était pas chose simple. Déjà quelques semaines qu'il avait découvert ce livre par hasard dans un vieux tiroir de la commode placée dans la bibliothèque du vieux manoir familial. Les exercices étaient plus ou moins faciles pour l'instant, car il ne s'agissait que d'une brève introduction à l'Occlumancie. La base de cette discipline était expliquée avec insistance dans le texte : il fallait vider son esprit. Pour vider son esprit, il fallait savoir se concentrer. Une fois concentré, il était plus évident de conserver cette barrière mentale contre les intrusions. Pour des niveaux plus confirmés, il était même possible de modifier ses propres souvenirs lors d'une intrusion, afin de tromper le Legilimens intrusif. Avec ses problèmes de concentration, autant dire que cela n'était pas chose facile pour Absolan, qui n'était pas parvenu à rester pleinement concentré plus de quelques minutes. Enfin, ce qu'il ne savait pas encore, c'était que la qualité de sa concentration même pendant ces quelques minutes n'était pas suffisante pour progresser dans cette matière. Il aura très certainement besoin d'un professeur pour l'aider.

Il avait fermé les yeux, pratiquant quelques exercices respiratoires pour améliorer ses performances quand il entendit le froissement léger d'une cape non loin de lui. Toute concentration brisée, il releva le regard vers une jeune fille aux cheveux châtains qui se tenait juste derrière lui, debout derrière le canapé. Par réflexe, il ferma brusquement le livre et le glissa sous sa cuisse. « Salut, Ruby. Tu ne fais participe pas à la soirée pyjama ? » Très délicat, quand on sait que le décès d'une personne a été annoncée la veille. Il se racla la gorge, le léger sourire qu'il avait s'effaçant progressivement. « Enfin, je veux dire... Tu n'arrives pas à dormir ? » Cette fois-ci, il avait été plus sérieux. Il connaissait assez son amie pour savoir que de nombreuses tourmentes l'animaient. Tourments qu'il pouvait encore deviner dans ses splendides yeux verts.

Deux émeraudes dans l'obscurité.

the shadow to my light

L'avenir nous tourmente, le passé nous retient, c'est pour ça que le présent nous échappe

La mine triste qu'arborait la jeune femme ne pouvait pas le laisser indemne. Il ressentait bien trop d'empathie pour elle pour ne pas se sentir affecté par ses propres émotions. Cela avait déjà été la source de certains de leurs anciens conflits. Il lui était déjà arrivé de tellement s'inquiéter, qu'il en était devenu presque intrusif par moments. Et peut-être qu'au-delà de cela, Ruby cherchait seulement à le protéger des histoires qui perturbaient sa vie d'adolescente. Ce qu'il n'avait jamais compris. Il ne cherchait pas à être préservé. Il avait toujours essayé de faire face, d'aider les autres avant de s'aider lui-même. Il voulait surtout préserver les autres avant sa propre personne. Sur ce point, ils étaient tellement identiques que ce point commun devenait la source de nombreuses confrontations. A force de trop se ressembler, de trop s'aimer peut-être, on finissait par créer plus de mal que de bien. Fort heureusement – ou malheureusement -, Absolan s'était accroché au meilleur.

Elle prit place à côté de lui, et posa sa tête contre son épaule. Ses yeux se rivèrent à leurs tours vers les petites flammes qui dansaient dans le foyer de la cheminée, leur lumière étant apaisante. Il retint ses mots, ayant peur que dans son intention de détendre l'atmosphère il en deviennent déplacé. De toute façon, ces mots n'étaient pas important. Son amie n'avait pas besoin d'un clown, mais de réconfort. De soutient. Il posa sa joue contre les cheveux de la brune, respirant une agréable odeur de shampooing aux fruits, qui termina de le détendre. Il avait hésité quelques instants avant de sortir le livre de sous sa cuisse. Dans tous les cas, il était grillé. Le titre était assez explicite pour qu'elle devine qu'il s'agissait d'un ouvrage traitant de l'Occlumancie. Il laissa la liberté à sa camarade de prendre possession du livre et de le feuilleter si elle avait envie. Ceci dit, il ne lui répondit pas, demeurant silencieux jusqu'à ce qu'elle s'adresse de nouveau à lui.

Lexie. Elle était dans toutes les bouches. Comme si ils essayaient tous de l'empêcher de partir.
Trop tard.
« Oui, je la connaissais... Surtout par rapport au Quidditch. » Il garda le silence quelques instants, la pensée de la jeune femme lui revenant de nouveau, les mêmes images tournant en boucle dans son esprit. « Et par rapport à Yulrick, aussi. » Même si ce n'étaient pas les meilleurs souvenirs qu'il avait d'elle. C'était à cause de Yulrick que Lexie s'était mise à faire comme le reste de sa bande. Puis elle avait dépassé les préjugés d'elle-même. Elle lui avait montré qu'il était possible d'être vu comme autre chose qu'un simple fils de Mangemorts, surtout après avoir été influencé par Yulrick. « Mais je me sens égoïste. Egoïste d'être triste de sa perte, car je n'étais pas proche d'elle, et qu'il y avait tellement de personnes qui étaient proches d'elle et qui ont perdu une amie proche, en plus de ses parents qui ont perdu leur fille... J'ai l'impression de ne pas avoir le droit d'être triste. » avoua-t-il à voix basse, d'un ton calme, posé. « Le pire, c'est que pendant tout ce temps où elle était absente de Poudlard, je ne me suis même pas posé de questions, alors je me sens un peu bête à l'idée de la pleurer. Je me l'interdit, en fait. » Il avait mûrit la question toute la journée, mais c'était toujours sentit coupable, quand il était sur le point de céder au chagrin. Le monde avait perdu quelqu'un de tolérant. Quelqu'un de bien. « Et toi ? » demanda-t-il en retour, un peu ému. Il effleura le poignet de la jeune fille de son index, dans un geste doux, se voulant réconfortant.