Plus ou moins confortablement installé dans un des canapés, Caleb observait son environnement. La salle commune des Gryffondors. Le calme régnait en maître. Les discussions n'avaient rien de bruyant comme d'accoutumé. Le caractère enflammé des membres de la maison semblait douché à l'eau froide. Ambiance morose. Un bruit de fond très déprimant. Voilà ce que reflétait la salle commune actuellement. Ça ne donnait pas envie d'y passer du temps. Le noiraud ne voulait pas en supporter plus pour aujourd'hui. Déprimer toute la journée alors que c'était samedi ? Non merci. Très peu pour lui. Il prit donc la direction de son dortoir avec la ferme intention d'y rester et de lire. C'était une bonne idée ça. Lire. Ou alors travailler un peu une quelconque matière pour laquelle il avait un devoir à rendre. Ça aussi ça pouvait se négocier. C'est donc sur ces réflexions que le redoublant franchi la porte du dortoir qu'il partageait avec les autres septièmes années. Il fut surpris d'y trouver Oliver. Pourtant c'était tout autant sa chambre que la sienne. Alors qu'il allait se contenter d'une phrase bateau juste par politesse avant de se poser sur son lit, le brun se leva rapidement pour se saisir de sa cape. Quoi, il pue pour provoquer un tel déchaînement des foules ? Enfin si on pouvait considérer Oliver comme une foule.

Quand Oliver se saisit de sa cape ainsi que de celle du redoublant pour la lui coller entre les pattes, Caleb resta perplexe. Il se contenta de lever un sourcil en guise d'interrogation. Ce à quoi le brun lui répondit simplement qu'ils sortaient. Bien. Parfait. « Et on va où ? »

C'est alors qu'ils sortaient du château et qu'ils se dirigeaient vers Pré-au-Lard que le noiraud eut sa réponse. Bien il sortait de l'enceinte du château. Pour s'aérer dans le village sorcier apparemment. À la Tête de Sanglier même. Ce n'était pas un lieu que fréquentait Caleb habituellement. Il faut bien une première à tout. Ce lieu aurait au moins l'avantage du calme et de la discrétion. Il ne voulait pas spécialement affronter le bruit des Trois Balais. Le jeune homme ne ferait pas non plus le maniaque.

Ils passèrent commande avant de s'installer à une table. Pas à côté de l'entrée. Mieux valait éviter les courants d'airs. Encore désagréables à cette saison.

Ne sachant pas trop quelle avait été l'intention première d'Oliver pour venir ici, il le laissa parler. Du moins lancer la conversation. Quoiqu'ils pouvaient aussi rester ici dans le silence. Ce sera toujours plus reposant qu'au château. Moins morbide. Même un tel lieu semblait moins avoir attrait à la mort que Poudlard aux yeux du Thomas. Il espérait sincèrement que ça changerait d'ici peu parce qu'il ne se voyait pas finir son année scolaire dans une telle ambiance.

La voix à peine forte d'Oliver le sortit de sa sombre constatation. Parler ? Mais pas de Lexie. Bien. Soit. Ne pas parler de ce qu'ils ont tous les deux en tête. Ne pas remuer le couteau dans la plaie. Il le faisait très bien tout seul. Il ne put néanmoins s'empêcher de placer un commentaire. « Elle va nous manquer. » Caleb se saisit de son verre pour boire un peu. Le Gryffondor n'avait pas envie de se lancer dans un grand débat. Ni de parler Quidditch. Ils parlent bien assez souvent sport pour s'en passer aujourd'hui. L'avenir qu'il soit professionnel ou non ne semblait pas être une bonne idée non plus. Même ça lui faisait penser à Lexie. Parler de meufs était exclu aussi. Pas dans ces circonstances. Il restait bien... « Comment ça va chez toi ? » La famille.

Le noiraud savait parfaitement que la famille d'Oliver n'était pas bien grande. Il n'allait pas pouvoir alimenter la conversation pendant très longtemps. Mais ça restait toujours ça de pris. Il hocha sobrement de la tête face à la réponse de son camarade. C'est un peu triste de voir la seule personne qui constitue sa famille vivre loin et seule. Caleb aurait facilement refusé Poudlard pour rester avec sa mère. Du moins le pensait-il. Mais à onze ans, personne ne possède la maturité de faire un tel choix. Aussi le disait-il maintenant. Et puis la vie est si courte... Il fallait savoir profiter de ses proches. Autant que possible. « Je pense que je vais écrire à mes parents aussi. Rapidement. » Avec Scott et Emily. Pour se faire comprendre. Pour passer du temps en famille. Parce que c'est important. Puis surtout, il le voulait. Il en profiterait au maximum. Caleb s'imaginait déjà venir une fois par mois à Pré-au-Lard pour voir ses frère et sœur une fois qu'il aura quitté le château.

Face au retour de sa propre question, le redoublant prit une gorgée de sa boisson. Chez lui, comment ça allait ? Toujours bien. À un temps, ça l'avait grandement désespéré. Pendant sa crise adolescente en fait. Voir ses parents si niaisement heureux l'avait énervé. Maintenant il se moquait gentiment d'eux et au pire du pire s'en montrait blasé. Mais ça le rassurait de les voir toujours ainsi. Ça le rendait stupidement heureux et fier de sa famille. À cette pensée il laissa échapper un sourire. « Je pense que mon père est toujours de corvée de linge. » Parce qu'autant lui n'avouait pas qu'il l'était aussi pendant les vacances, autant il n'avait aucun scrupule à dire que son père pendait la lessive. Sa mère n'avait rien d'une femme de ménage et c'est ainsi que se justifiait le partage des tâches. « Et ma mère doit passer une partie de sa soirée devant son piano à faire pleurer les notes parce qu'on lui manque. » Sa mère n'avait jamais été préparée à cette séparation. Même en sachant  son mari sorcier, elle n'avait pas senti le coup venir. Ce fut la seule fois où le couple s'engueula fortement à la maison.

Tout en buvant à nouveau Caleb poursuivit. « Quant à Emily et Scott, ils font de leur mieux. » Il les voyait parfaitement. Tristes et malheureux. Influencés par cette ambiance morose et se sentiment de perte général. Le Gryffondor voulait les aider mais ces derniers lui assuraient tout le temps que tout allait bien. Ils refusaient de se confier. Scott jouait les forts et Emily les indifférentes. Une belle brochette d'abrutis. Qui désespérait grandement l'aîné de la famille. « J'ai tout de même hâte de rentrer à la maison et de passer du temps en famille. » Sa fierté ne supporterait pas de l'avouer mais il espérait pouvoir rentrer et se blottir dans les bras de sa mère un moment. Il en avait désespérément besoin.

Il ne voulait pas spécialement en rajouter une couche sur sa famille. Il n'aborda donc pas le sujet de ses grands-parents. Ni de sa grand-mère paternelle. La plus chiante. Objectivement. Mais la plus aimante en sachant parfaitement par quels malheurs le monde de son fils et son fils par extension sont passés. Ça non plus ça ne valait pas la peine d'en parler. Puis son père n'en parlait pratiquement jamais. Trop de souvenirs douloureux. Ce n'était que d'un point de vue historique qu'il avait accepté de la raconter les premières fois. Jusqu'à ce que ses yeux se voilent et que sa femme n'interrompe le pseudo interrogatoire de leurs enfants.

La question d'Oliver le ramena au sujet principal de leur petite discussion. Le noiraud s'autorisa un sourire en songeant au cheminement de pensées que devait avoir amené son commentaire sur le piano. Son ami féru de musique ne pouvait pas passer à côté de ça. Et ce même s'ils en avaient déjà vaguement parlé à un moment ou un autre. Ce n'était pas un secret mais Caleb ne se rappelait pas toutes les personnes à qui il disait volontiers que sa mère avait tout d'une grande pianiste. Sans aucune objectivité mais avec pas mal de fierté. « Probablement. Elle est douée. » Il joua un peu avec son verre avant de poursuivre. « C'est un concert privé à chaque fois. C'est même détestable tellement elle arrive à te faire ressentir ses émotions. Surtout quand elle te fait passer du rire aux larmes en quelques notes. » Heureusement l'ascenseur émotionnel n'était pas pour tous les jours.

Le pire restait quand ils faisaient des morceaux à quatre mains que sa mère lui imposait. L'aîné ne disait jamais non sachant pertinemment que sa faisait plaisir à sa mère. Mais ce n'était pas non plus sa vocation. Parfois il entendait sa grand-mère -maternelle- dire que c'était du talent gâché.

C'est un bruit de porte qui claque dans son dos qui le fit sursauter. Bordel ! C'était pas censé être un endroit calme ici ? La moue que fit Oliver -il ne sut pas très bien l'interpréter- l'obligea à se tourner pour voir qui venait d'entrer. Quand le Gryffondor qu'il était repéra au premier coup d’œil une cravate verte et argent -eh oui même en dehors de Poudlard malheureusement- il se contenta de hausser les épaules pour montrer du peu d'intérêt qu'il y portait. « Ils ne viendront pas. Je ne suis pas convaincu que partager un verre en notre compagnie fasse partie de leur objectif de vie. » Un peu d'autodérision ne faisait jamais de mal. Et s'il se trompe et bien, il avisera à ce moment là. Après tout peut-être qu'ils avaient des admirateurs parmi les Serpentards. Qui sait.