Le vingt-huit juin 1972, la météo était fade et le soleil rare ne procurait qu'une maigre chaleur aux vivants. Sous une couverture nuageuse et des températures avoisinant les dix degrés à peine, dans une maison de Birmingham, au Square Chamberlain 87, on avait pourtant fort peu à faire du temps qu'il faisait au dehors et l'humeur des gens se trouvait en suspens, retenu par un fil de souffle qui n'attendait que son heure pour poindre son nez et débuter une vie. Bruce Jones naquit ainsi à quatorze heures dix-sept et l'agitation, enfin, reprit. Alors seulement on s'intéressa à la pluie et au beau temps. Alors seulement on fit des plans sur la comète pour l'enfant. Il aurait un bel avenir, prédit sa mère et sa belle famille. Le père était souriant, reconnaissant, mais son esprit était déjà ailleurs, tourbillonnant autour de sombres nuages lointains, le coeur en promesse de pluie, la vengeance en éclair promis.

Bruce Jones connaîtrait les mêmes paysages sinistres et déchainés. La même tempête intérieure.

Il grandirait, innocent, aimé et entouré, apprenant à jouer aux échecs d'un grand-père paternel muet et réservé d'où la vie avait semblé déserter ses yeux depuis une éternité, la conception d'un feu d'artifice magnifique d'un père sorcier pourtant grand fanatique des explosifs moldus, l'art de peindre d'une mère artiste qui partagea son amour des paysages tourmentés par la nature, la bonne éducation d'une grand-mère maternelle sévère et pour touche finale, il apprit à apprécier les récits de guerre de son grand-père maternel avant que ce dernier ne s'éteigne quand il avait sept ans.

Il grandit d'amour. Il grandit admiratif de sa famille. Et quand son grand père paternel s'éteignit, qu'il dit à son père « Le dernier feu d'artifice dans sa tête s'est éteint, papa. » et que son père répondit, colère et tristesse se disputant dans la voix « Non, mon fils, c'est une partie d'échecs qui s'achève et il l'a perdu. » Bruce ne comprit pas et la famille déménagea un an plus tard vers les Amériques. Il avait dix ans alors.





Il entama ses études à Ilvermorny où il fut réparti dans la maison de l'Oiseau-Tonnerre, comme un message subliminal des foudres qui enchâsseraient son coeur quelques années plus tard. À l'école, il ne se démarqua pas par de grandes notes, mais son air insolent et sa langue habile, lui valu très vite  l'admiration de ses pairs et son charisme ne fit que s'accroitre au fil des ans. Il avait, dit-on, l'âme d'un leader. Un charmeur de serpents à l'intelligence pourtant moyenne, mais à la volonté de plaire qui suffisait à le placer en haut de l'échelle. Il séduisait aussi bien les élèves que ses professeurs. Il y prit gout très vite sans avoir à dépenser beaucoup d'énergie ou le moindre effort... Parce que c'est amusant, confia t'il à sa grand-mère maternelle. L'école en plateau d'échec. Le sien. Son objectif était tout trouvé. Tout tracé. Parvenir au sommet. Il ne lésina pas sur les moyens. Ne lésina jamais...

Et si son objectif ne changea guère en grandissant et jusqu'à son obtention, il eut un devoir certain qui s'immisça très vite dans sa vie. Une colère sourde, aussi. A l'été qui succéda sa cinquième année scolaire, alors qu'il disposait dans chambre le jeu d'échecs de son grand-père paternel, il découvrit un tiroir caché sous la boite de bois et, à l'intérieur de ce dernier, un carnet, un seul, et des coupures de presses. L'histoire de son grand-père en quelques mots gribouillés et à moitié effacés ! Son mentor aux échecs ! Mentor qui avait perdu la partie d'après son propre père sans qu'il ne comprenne pourquoi.

La lecture le lui apprit en bonne partie.


Comme un fou, je l'aime. Mais Yseult ne semble pas me voir.
Si seulement je pouvais lui ouvrir les yeux. Qu'elle me regarde. Contemple l'étendu de mon amour pour elle. Alors je suis certain que son regard se tournerait vers moi et plus sur Conrad. Maudit soit-il ! [...]

Conrad m'observe. Il a dans les yeux quelque chose qui ne va pas. Il me regarde comme je regarde Yseult. C'est malsain. J'en ai des frissons. Nous partageons la même maison. Je ne dors plus. J'ai peur. [...]

Elle m'a sourit ! Mon héritière ! Car elle m'a admis son secret, le secret qu'elle partage avec Conrad et d'autres. Les héritiers de la grande école. Elle m'a présenté à eux. J'ai souris et suis resté poli comme on me l'a appris. Je n'ai pas voulu regarder Conrad. Il me met mal à l'aise. Cela fait rire les jumelles. [...]

Doug m'a donné une lettre, il m'a dit qu'Yseult m'attendait dehors, dans la grange, puis m'a fait un clin d'œil. J'ai compris que c'était ce soir. Ma chance. Mon amour m'attend. Je suis fou de joie. J'ai si hâte que mes mains tremblent tandis que j'écris ces mots. J'y vais. [...]

Sale. Je me sens sale. Les jumelles gloussent. Doug ricane. Yseult n'ose plus me regarder. Je veux mourir. Pitié seigneur. [...]

Conrad a recommencé. Dieu m'a abandonné. [...]

J'en ai parlé à l'infirmière. Je n'en pouvais plus. Dieu m'a abandonné, mais j'ai confiance en... [...]

Ils m'ont dit de dire la vérité. Je ne comprends toujours pas ce qui s'est passé. Je leur ai dit la vérité. J'ai même du la répéter devant plus de gens. Je me sens si honteux. Ils m'ont dit que non. J'ai parlé d'Yseult, de Doug et des jumelles pour témoins. Ils m'ont encore dit que non. J'ai quitté le bureau du directeur encore plus perdu et honteux qu'il y a deux ans, après cette nuit de cauchemar dans la grange. [...]

Je sens que c'est la fin. Que personne ne fera rien. Alors je ferais. [...]

Je crois que je l'ai tué. J'étais prêt. Il a essayé de nouveau, mais j'étais prêt ! Je crois que je l'ai tué. TUÉ ! Je pleure de joie. Seigneur m'a donné la force ! Je suis libre. Mon dieu, libre ! [...]

Survécu. Yseult a sauvé Conrad. Doug m'a dit en riant qu'elle aimait regardé ça. Qu'elle avait encouragé Conard à... [...]

Je veux mourir. Je sais que la direction va réagir en leur faveur. Je n'attends plus rien de leur part. Je veux juste qu'ils meurent. Qu'ils meurent tous pour ce qu'ils m'ont fait ou ont laissé faire. Parce qu'ils sont les héritiers. Parce qu'ils ont des noms puissants et moi pas. Ils regretteront. Je promets, sur la vie qu'il me reste, ils le paieront. [...]

Coups et blessures. Viré. Ils ont sourit et j'ai compris que je n'étais pas le seul et qu'il y en aurait d'autres. Encore. Ils ne perdent rien pour attendre. La vengeance est un plat qui se mange froid et je ne vis que pour elle désormais.[...]

Était joint à ce carnet à la suite trop détérioré pour être lu, des articles de presses avec, parfois, des commentaires ajoutés. Un article sur un accident terrible de match de Quidditch à Poudlard était suivi des mots ''On y croirait presque'', un autre sur le renvoi d'un certain Rubeus Hagrid était suivi de lettres maladroites qui disaient ''Encore un !'' et que dire d'une lettre presque menaçante où on lui demandait de recadrer son rejeton car, faisait-il écrit, il avait amoché trois gamins ? ''Un coup monté ! Ils ne l'auront pas !'' ou les quelques copies vieillissantes au Ministère où il les priait d'intervenir pour le bien des étudiants ? Néant. ''Ils sont partout, maudits soient-ils !''.

Bruce en avait les larmes aux yeux et avait une sacré envie de vomir. D'une main tremblante, il cacha les preuves de vie de son grand-père puis rejoignit son père pour tenter d'y voir plus clair... Il ne mentionna pas les viols. Jamais. Le secret de son grand-père serait bien gardé. Mais son père enquêtait-il ? Avait-il subit le même sort ? Non. Il avait agressé les trois gamins mentionnés dans la lettre de l'école adressé à son grand-père car ces derniers l'avait traité de « fils de taré ». Il n'avait jamais précisé la raison à son propre père. Bruce se demanda lui-même si c'était la vraie raison. Assommé était-il par les informations. Son père lui apprit qu'il menait un combat contre les héritiers et Poudlard depuis. Bruce avait plus d'informations et du temps devant lui pour analyser sans sombrer dans la folie, car il voyait bien que certains points ne collaient pas.

En revanche, il était persuadé qu'il fallait arracher le mal à sa racine et donc la direction de Poudlard et ses héritiers.





Bruce se fit un devoir de redoubler d'efforts après cette découverte et ses révélations. Travaillant avec son père sur la découpe des éléments comme de lister les évènements, sur les cartes de Poudlard, ses passages secrets...

« Si tu as l'opportunité de te rendre à Poudlard, mon fils, utilise ce que je t'ai enseigné à bon escient, ils ne verront rien venir. Ils sont sourds et aveugles de tout. »

Sans rien savoir de ce qui était vraiment arrivé jadis, le père de Bruce n'était pas loin de la vérité. Quant à l'occasion future de se rendre à Poudlard sans tenter la chance, le tournoi des Trois sorciers, s'il était amené à se réaliser et à englober Ilvermorny, cela ne serait possible que s'il était au sommet. Ce qui était son but. Son projet. Alors Bruce travailla encore plus, étudia la legilimensie dans le but d'étendre sa toile d'araignée. Devenir maître chanteur et savoir où appuyer, où aiguiller en frôlant le vécu des autres, flirter avec les sentiments. Dévorant livre après livre, puis s'infiltrant en émotions et souvenirs. L'Homme ne fut bientôt plus pour lui une énigme. Certes les ratés, les échecs, les migraines et les chutes. Certes une idée, un renseignement, un ressenti non calculé. Mais, et alors ? Il découvrirait. Il ferait tourner dans la paume de sa main. On l'aiderait dans ses futurs plans non de domination, encore que s'il tirait bien son épingle du jeu, il ne dirait pas non à un gain de pouvoir, mais de revanche. Non pour lui, mais pour son grand-père, son père et tous les gosses qui jadis souffraient et qui certainement souffraient encore. Car Poudlard était pourrie jusqu'à la moëlle et qu'il fallait nettoyer tout cela, limiter la gangrène en purgeant la source du poison, en amputant le membre nécrosé. Il serait le roi de son monde, mais la reine qui est là où on ne l'attend pas.

Ainsi obtint t'il son diplôme, puis plus tard grimpa t'il les échelons lui permettant de se positionner comme directeur quand son nom ne signifiait rien ou si peu pour Ilvermorny. Il n'était pas un Sayre, mais un Jones et pourtant, voyez sa place aujourd'hui !

On le décrit comme ceci : Monsieur Jones n'est pas taiseux, n'est pas bavard pour autant, mais qu'il s'exprime ou qu'il se taise, son aura n'est pas une blague et son charisme encore moins.

Vint l'opportunité tant attendu, tandis que cartes d'avant bataille de Poudlard comme d'après et ses pions étaient empaquetés pour la mise en place de ses plans, Bruce se retrouva sur les lieux d'un crime vieux de plus de cinquante ans, bien davantage même, certainement les lieux ou se poursuivaient de tels vices à l'ombre des cours et des couloirs, sous le nez de certaines autorités même.

Sous le secret, bien sélectionné et au haut potentiel pour l'aider ; Justin Anderson. Son comme successeur. Son poulain. Son cavalier. Oh, sous le secret mais pas de la totalité. Les atrocités de son grand-père resteraient son unique fardeau. Mais il avait été persuasif, aussi le jeune homme le soutenait-il loyalement. Il sélectionna d'autres étudiants pour l'accompagner, mais y ajouta ses autres pièces d'échec, son Fou et sa Tour, par exemple, aussi. Perdu dans la masse. Ses araignées à lui, dont il avait tissé la toile principale et dont il habitait le coeur, emprisonneraient de précieuses informations...

Son arrivée fut faite de sourires courtois quand des envies de vomir et de bataille mettaient au supplice sa tête comme ses entrailles. Bienveillance parfaitement simulée aux enfants comme aux adultes... encore que pour les premiers, même s'il était prêt à user de moyens discutables, il le faisait pour eux. On avait rien sans rien, après tout.

Puis, Justin en digne successeur fut désigné champion d'Ilvermorny. La partie pouvait commencer et les pièces, tombées.