Je savais que j’allais avoir des problèmes avec ma baguette à un moment ou à un autre. Cela faisait trop longtemps que je ne m’en étais pas servi. Et il avait suffi d’un faux mouvement lors de l’incantation d’un sort hier soir pour qu’il se retourne contre moi sans raison. Heureusement que je tentais seulement de déplacer un objet. Ainsi, j’étais juste tombé à la renverse, déséquilibré par la force du retour de flamme. Si j’avais lancé un sort plus violent, j’aurais pu me blesser. C’est donc en cette matinée toujours aussi brumeuse que celle de mon arrivée d’hier que je me rendis à Pré-au-Lard, un sympathique petit village peuplé uniquement de sorciers situé non loin de l’école de magie. J’avais entendu parler qu’il existait une succursale locale du célèbre fabriquant de baguettes Ollivanders, et que ce magasin proposait principalement des services de diagnostic et de réparation. Cela tombait bien, j’avais réellement besoin de faire analyser ma baguette. J’avais réussi à m’en passer pendant des années au profit des baguettes de pain mais maintenant que j’étais de retour dans le monde de la magie, elle demeurait indispensable.
Je me trouvais donc dans la rue principale de Pré-au-Lard, le regard attentif aux enseignes que je croisais sur ma route afin de trouver celle qui m’intéressait. Je n’eus pas de mal à la remarquer et m’empressai d’entrer dans la boutique, soudain transi de froid par le souffle de vent qui se levait à ce moment-là. Une fois à l’intérieur, l’odeur du vieux bois mélangée à celle de poussière et de senteurs d’automne m’envahit les narines. C’était plutôt agréable, cela donnait presque envie de travailler ici. En enlevant le chapeau que je portais pour protéger ma tête du froid, je repérai le comptoir du vendeur mais comme je ne trouvai personne derrière, je fis le tour de l’endroit étriqué, levant parfois les yeux pour contempler les étagères hautes et remplies de boîtes plus ou moins longues contenant des baguettes toutes différentes les unes des autres.
Lorsque j’avais remarqué le défaut de la mienne, je m’étais immédiatement rendu à la bibliothèque de Poudlard dans l'espoir de trouver un moyen de la réparer moi-même. J’y avais appris bien des choses sur les baguettes magiques et m’étais rendu compte que ces informations demeuraient très intéressantes, tout en me demandant pourquoi je n’avais jamais pensé à me renseigner là-dessus. Bien que considérées comme de simples outils pour les sorciers, les baguettes sont dotées d'une véritable personnalité qui est influencée au cours de leur création par le bois et le cœur qui la composent. Cette sensibilité rend parfois la baguette capable d'agir par elle-même en lançant par exemple un éclair sur celui ou celle qui tente de la voler, ou en refusant de fonctionner si quelque chose lui déplaît. Cette quasi-conscience permet à la baguette de choisir elle-même son sorcier et ainsi de pouvoir fournir ses capacités puisque la baguette se sentira plus à l'aise dans les mains d'un sorcier plutôt qu'un autre. Bien que chaque baguette ait des préférences différentes, elle cherchera généralement à s'accorder avec un sorcier dont la personnalité est semblable à la sienne. Dans certains cas, il arrivera même que la baguette vieillisse au même rythme, voire plus vite, que son maître et finisse par se faner, jusqu'à ne plus pouvoir lancer le moindre sort.
Au début, j’avais pensé à cette dernière hypothèse car en voulant lancer un nouveau sort, ma baguette avait refusé de fonctionner. Mais je n’en demeurais pas certain alors je préférais demander l’avis d’un connaisseur. J’espérais qu’elle puisse être réparable mais s’il fallait en changer, tant pis. Je devrai m’y faire…

HJ :

Alors que je m’abandonnais dans la contemplation d’une boîte ornée de moulures particulièrement précises et agréables à regarder, des pas me firent sortir de mes pensées et je me retournai pour faire face à un homme. La trentaine, de taille moyenne, le teint plutôt pâle mettant en valeur ses yeux d’un bleu électrique mais également de légers cernes, il portait un petit bouc au menton et de courts cheveux châtain-blonds en bataille. Il était vêtu à la moldue, de façon décontractée, non sans garder une certaine allure. A première vue, je lui donnais des airs d’adolescent sorti du lit mais lorsqu'il me souhaita la bienvenue, son sourire et son ton professionnel me firent très vite changer d’avis et je sus que je me trouvais bien face à un homme responsable et sûr de lui.

- Comment puis-je vous aider ? demanda-t-il à voix basse, comme s’il voulait respecter le silence apaisant de la boutique.

Il rangea quelque chose dans sa ceinture, un certain plumeau dont il se servait sûrement pour dépoussiérer les nombreuses étagères qui occupaient les lieux. Il posa ses mains désormais libres sur ses hanches et attendit ma réponse. Je ne tardai pas à la lui donner, tout en sortant ma baguette de la poche de mon manteau. Comme il me paraissait loin d’être méchant, je lui accordai un sourire aimable.

- Je crois qu’elle a besoin d’une petite révision, déclarai-je en lui tendant la baguette. Elle m’a fait faux bond hier. Elle doit m’en vouloir de ne pas l’avoir utilisée depuis longtemps, ajoutai-je en haussant les épaules d’un air dépité, en gardant toutefois un léger sourire avenant.

Tandis qu’il la prenait délicatement entre ses mains expertes, je fourrai les miennes dans les poches de mon manteau tout en gardant mon chapeau calé sous le bras.

- J’espère ne pas trop vous importuner avec ça, d’autant plus qu’il est encore tôt… fis-je en regardant l’horloge la plus proche. Mais j’en ai besoin pour mes cours cet après-midi.