Elle était en pleine forêt amazonienne en train de suivre les traces d’un Re’em. Une créature magique difficile à domestiquer mais ce n’est pas son but. Elle cherche plutôt à comprendre comment cette créature s’adapte à la forêt amazonienne et veut réaliser une étude dans son milieu naturel. Elle est donc en train d’effectuer un moulage d’une de ses empreintes mais sa vision devient toute floue. Cela fait plusieurs jours qu’elle a des suées ainsi que des vertiges. Mais elle se dit que cela va passer et sinon elle ira voir le chaman de la tribu dans laquelle elle réside.  Elle a les mains moites mais cela arrive régulièrement dans ce climat humide. Mais là sa vision devient totalement floue. Elle s’assoit en espérant que cela passe rapidement mais cela dure et elle a vraiment très chaud. Elle se sent vraiment mal et toute faible. Elle qui est très sportive à l’impression de ne plus avoir de forces. Elle regagne à grande peine le camp de la tribu où elle s’effondre au sol inconsciente. Le reste est très brumeux : elle se souvient avoir été mis sur un brancard de fortune fabriqué avec ce que les personnes de la tribu ont trouvé. Elle se souvient avoir été dans un hôpital Brésilien avec une forte fièvre. Elle a entendu le chiffre 40 degré prononcé à de nombreuses reprises. Elle a une sensation de forte déshydratation et sa peau semble très sèche. Elle oscille entre des périodes de conscience et d’inconscience. Elle entend les mots rapatriements et se retrouve dans un avion pour la ramener sûrement au Royaume Uni. En tout cas, c’est ce qu’elle croit comprendre lorsqu’elle arrive à être consciente. Sa fièvre ne baisse pas et elle a commencé à montrer des signes de fibrillation cardiaque. Elle réouvre les yeux dans un autre endroit. Elle ne sait plus trop ou elle. Elle se sent terriblement affaibli et a vraiment très très chaud et soif. Elle sent qu’elle doit être perfusé car elle a des douleurs légères dans les bras. Elle dit d’une voix faible

-De l’eau s’il vous plait.

Ce n’était pas un mensonge que de dire que Lawrence n’était pas vraiment charmant avec ses patients. Les rares qu’il visitait parce qu’ils étaient des cas particuliers qui l’intéressaient tout particulièrement pouvaient témoigner de sa rudesse et de son manque d’empathie. Il n’en était pas fier mais la douleur et l’amertume qui jalonnaient sa vie depuis le départ de sa petite-fille étaient si difficiles à supporter qu’il ressentait une forme de soulagement à rabattre leur caquet à des patients trop capricieux ou pleurnichards. Il était peut-être un peu sadique, il ne le niait pas, mais il avait ses raisons, bonnes ou mauvaises.

Mais il y avait dans son service une jeune femme qui aurait droit à un régime de faveur. Zélina était la nièce de l’époux de sa fille. Il l’avait connue toute petite à jouer avec sa petite-fille, de qui elle était très complice. Lawrence l’avait toujours traitée comme une petite-nièce, et il avait pour elle une certaine affection. Il n’en était pas aussi proche qu’il l’avait été avec celle qu’il avait élevée, mais elle avait toujours su le toucher et il ne pouvait s’empêcher d’avoir de l’affection pour elle et de la traiter avec une certaine considération. Il avait été particulièrement inquiet de la voir arriver avec une telle urgence.

Mais le plus difficile restait à venir. Elle était arrivée, victime d’une grosse infection, assez grave qui avait abîmé son cœur. Ils avaient réussi à la garder en vie, et il en était soulagé, mais les conséquences étaient problématiques. Elle était une passionnée de magizoologie et elle ne pourrait pas repartir. Quoi qu’il advienne, elle avait besoin d’un suivi et il était hors de question qu’il confie sa santé à quelqu’un d’autre. Et il était encore plus hors de question que quelqu’un d’autre le lui apprenne. Elle lui faisait confiance et il avait à cœur de mériter cette confiance et le peu d’affection qu’il gardait encore d’un membre de la gent humaine.

Il était assis près d’elle, se préparant à ce qu’il allait devoir lui apprendre, quand elle se réveilla, attirant son attention en avouant qu’elle avait soif. Il lui versa un peu d’eau. Il ne fallait pas qu’elle boive trop ni trop vite, ou elle pourrait avoir su mal à ce que ça passe. Tout était très compliqué dans ce genre de situation. Mais heureusement, le médicomage était bien au fait de ce qu’il devait faire ou ne pas faire et il était quasiment évident qu’il ne commettrait pas d’erreur, mais il était rare qu’il s’occupe de quelqu’un avec un tel degré de douceur.

« Bonjour, Lina. Tu me reconnais, je suis ton oncle Lawrence. Tiens, bois un peu. »

Il l’aida à boire. Pour le moment, il valait mieux commencer en douceur. Lui faire boire un peu d’eau, la laisser se réveiller. Elle avait besoin de savoir où elle était avant qu’il ne puisse lui expliquer ce qu’il se passait. Le degré de la mauvaise nouvelle qu’il avait à lui annonçait méritait bien qu’il prenne le temps et la prudence de le faire en douceur. Elle le méritait.

Zélina reprend doucement connaissance et ne sait plus trop où elle se trouve. Elle réouvre les yeux et se dit qu’elle doit être dans une chambre d’hôpital. Elle est totalement confuse et met plusieurs secondes à reconnaître la voix qui lui parle. C’est son oncle Lawrence. Elle ne comprend pas trop pourquoi il est là. La dernière fois où elle a été réellement consciente, elle se trouvait en plein cœur de la forêt amazonienne et maintenant voilà que son oncle est à ses côtés. Il a pris l’avion pour la rejoindre ? Il lui tend un verre d’eau. Elle a tellement soif qu’elle voudrait tout boire d’un coup mais il l’oblige à boire lentement et à petite gorgée. Elle se sent courbaturée et a mal partout. Elle boit le verre et pourtant elle a encore tellement soif. Elle voudrait boire encore et encore. Elle redemande un verre à son oncle puis d’une faible voix elle lui murmure :

-Qu’est-ce que tu fais là ? Tu as pris l’avion pour venir me voir ? Je suis où ? Il s’est passé quoi ?

Elle est essoufflée juste après ses paroles. Une quinte de toux la reprend alors et elle se sent épuisée. Elle est totalement perdue dans le temps et dans l’espace. Ses souvenirs sont très confus. Elle a eu des périodes de conscience mais tout semble mélangé dans sa tête. Elle se porte les mains à la tête. Une migraine terrible résonne dans son crâne. Elle a tellement mal et une nausée s’empare d’elle. Elle lutte pour ne pas se laisser envahir. Le dernier souvenir concret qu’elle a est quand elle était dans la forêt Amazonienne. Elle était malade : quinte de toux, fièvre, envie de vomir. Dans son dernier souvenir, elle était avec un membre de la tribu prise d’une fièvre intense et le trou noir. Après, elle a des brides de souvenir mais tout semble si confus. Elle tend la main vers le verre pour réclamer encore de l’eau.

Il s'était attendu à ce qu'elle soit déboussolée. Il fallait le reconnaître, il n'était pas sûr qu'elle se soit rendu compte qu'on l'avait déplacée. Elle avait eu de vagues moments de conscience, mais il ne paraissait pas aberrant que ces moments ne se soient pas figés dans sa mémoire. De fait, elle se croyait toujours au loin et non à Sainte-Mangouste, dans la bonne vieille Angleterre. Lawrence savait bien que cela allait lui faire un choc. De plus, il avait parfaitement conscience à qu'elle ne pouvait pas s'imaginer qu'elle ne retrouverait jamais cet endroit qu'elle avait connu. C’était à lui de lui dire tout ça et il ne savait pas bien comment s'y prendre.

Si elle avait été une patiente ordinaire, et s'il avait été contraint de lui dire lui-même ce qu'il en était, il aurait certainement été abrupt et dénué de toute compassion au moment d'informer la personne de son état. Mais voilà, elle n'était pas n'importe qui et il n'était pas question qu'il lui assène la nouvelle de manière trop brutale. Ses assistants auraient été très surpris de la façon dont il allait s'adresser à la jeune femme, mais c'était ainsi qu'il était quand la personne comptait vraiment à ses yeux. Les siens s’humectèrent un peu et il prit son courage à deux mains pour lui avouer la terrible vérité.

« Ma puce, tu as fait un malaise. Heureusement quelqu’un t’a retrouvée. On t’a rapatriée en urgence. Tu es à Sainte-Mangouste, en Angleterre. »

Et ce n'était pas le pire. Il savait que le moment était arrivé et qu'il allait devoir lui expliquer. Le courage lui manquait pour détruire son rêve. Il était persuadé qu'elle était assez forte pour se faire une nouvelle vie, mais il avait peur qu’elle le refuse Parce que la nouvelle avait été trop dure à avaler. Il savait à quel point toute sa vie était sur le point d'être remise en cause et il n'y avait aucune raison pour qu'elle ne soit pas complètement désespérée. Il n'y avait aucun espoir que ses rêves puissent se révéler à nouveau possible.

« Je suis désolé de devoir te l'annoncer, mais tu es très malade. Tu vas avoir besoin d'un suivi et de pouvoir venir ici régulièrement. Tu vas devoir faire très attention pour qu'il ne t'arrive rien. Ce ne sera pas facile, mais tu pourras compter sur moi, je te le promets, mon enfant. »

Se retrouver dans ce lit, sans savoir où elle est vraiment. Tout est confus dans sa tête. Elle ne comprend pas ce qu’il fait là. Il lui explique qu’elle a fait un mal, qu’elle a été rapatriée. Elle est en Angleterre. Tout est flou mais des souvenirs d’un rapatriement en avion lui reviennent en mémoire. Elle n’arrive pas à aligner des pensées cohérentes. Elle se prend la tête dans les mains. Elle a mal et se sent faible. La suite du discours de Lawrence est un choc. Malade. Très malade. Avoir besoin d’un suivi régulier. Compter sur lui. Elle ne comprend pas. Son inconscient ne veut pas comprendre. Elle va être soignée et elle repartira. Mais là n’est pas sa préoccupation première. « Qu’est-ce que j’ai ? Je vais devoir être suivi pendant combien de temps ? » Un refus total d’entendre, de comprendre l’implicite des propos de Lawrence. Elle va se soigner et elle repartira en forêt Amazonienne. La seule question est de savoir pendant combien de temps, elle va avoir besoin d’un suivi. Sa vie est la-bas.

Elle n’avait pas mis les pieds en Angleterre depuis plusieurs années. Un moment qu’elle n’avait pas vu Lawrence. Elle est contente qu’il soit à ses côtés. Elle tente de lui sourire comme pour lui montrer qu’elle va bien. « Je dois retourner là-bas au plus vite, il y a des créatures qui m’attendent. Ils doivent se demander ce qui s’est passé je dois les rassurer ». Elle est épuisée, parler est difficile mais elle commence à s’agiter. Elle réalise que son départ a été brutal. Elle n’aime pas cela, elle a des responsabilités, des créatures qui comptent sur elle. Elle tente de se redresser. Elle doit retourner au Brésil absolument. Sa tête se met à tourner quand elle se redresse. « Je suis ici depuis combien de temps ? ». Elle retombe allongée, son corps ne suivant pas.

Il n’était pas facile de briser les rêves de quelqu’un. D’ordinaire, Lawrence s’en fichait. Mais là, il s’agissait de Zelina et la punition était cruelle. Mais il n’aurait jamais laissé un de ses subalternes lui annoncer la nouvelle. Elle avait besoin d’un soutien et de quelqu’un en qui elle avait confiance. Elle avait besoin de savoir qu’elle n’était pas toute seule face à cette épreuve et que quelqu’un à qui elle tenait était là pour elle. Aussi difficile que ce soit pour lui d’être dans ce rôle, il était prêt à le faire pour elle. Il soupira profondément quand elle lui demanda ce qu’elle avait.

« Tu as contracté une infection. Rassure-toi, nous sommes parvenus à t’en débarrasser à priori. Mais elle a fragilisé ton cœur. Tu ne pourras plus t’éloigner de Sainte-Mangouste, plus vraiment. Je suis désolé. »

Il était conscient que c’était dur à entendre. Elle voulait repartir, elle avait toute sa vie là-bas. Il savait ce que c’était, il comprenait. Quand il avait compris ce que le sort noir avait causé sur sa jambe, il avait eu une période aussi où il avait eu du mal à accepter ce qu’il lui arrivait. Mais il n’avait pas eu à remettre en question ses projets. La perte de sa femme et de sa fille, en revanche, avait transformé sa vie. Mais il n’y avait eu aucun moyen pour pallier cela. Il était des deuils qui étaient impossible à complètement effacer. C’était ainsi.

« Je comprends que tu t’inquiètes pour les créatures dont tu t’occupes, mais ton état est bien plus préoccupant, ma chérie. Si tu t’éloignes, tu risques de ne pas survivre. Je ne peux pas autoriser cela, je te demande pardon. »

Elle lui demanda combien de temps elle avait passé là. Il soupira une nouvelle fois. Cela lui ferait peut-être prendre conscience de la gravité de son état, s’il lui répondait. Il ne voulait pas lui faire peur mais il se devait d’être honnête avec elle. La souffrance qu’elle allait vivre était déjà bien assez grande, il lui devait au moins l’entière vérité. C’était déjà beaucoup d’être privée de tout ce qui avait fait sa vie jusqu’à présent. Il n’était pas certain qu’elle le supporte mais heureusement, ils avaient des psychomages à Sainte-Mangouste, si elle avait besoin d’aide pour supporter l’horrible nouvelle.

« Tu es restée évanouie cinq jours complet. J’ai eu très peur de te perdre, mon enfant. »

Elle doit savoir quand elle pourra y retourner, combien de temps elle va devoir être absente. Elle va devoir les prévenir, elle n’a pas eu le temps de prendre des dispositions. Ils doivent s’inquiéter, se demander ce qu’il se passe. Elle n’a plus l’habitude aussi d’être enfermée à l’intérieur. L’air extérieur lui manque. Elle attend donc des explications, une date. Elle comprend qu’elle a contracté une infection. Un risque connu dans cette région du monde mais ce n’est pas une fin en soi. C’est ce qu’elle pense en tout cas jusqu’à ce qu’elle entende l’inimaginable. Cela ne peut pas être la réalité. Elle commence à répéter « Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible ». Elle ne peut pas y croire et son cerveau est dans une forme de déni. Il va lui dire que c’est une plaisanterie, mauvaise mais il a toujours eu un humour particulier. Pourtant ce n’est pas le premier avril. Cela ne peut pas être autre chose mais il continue. Ne pas survivre. Son cerveau refuse toujours l’information et pourtant elle commence à réaliser. Elle ne pourra jamais y retourner. Sa vie s’effondre à cet instant. Plus rien n’a de sens, plus rien n’a de valeur. Tout ce en quoi elle a rêvé, tout ce pour quoi elle a travaillé ces dernières années n’existe plus, n’a plus aucun sens. Les larmes sortent de ses yeux sans qu’elle ne contrôle réellement ces émotions. Elle ne peut pas y croire et pourtant, ses mots résonnent dans sa tête. Elle commence à avoir l’impression de suffoquer, à avoir cette sensation de manquer d’air. Les murs semblent se resserrer autour d’elle.

Elle doit sortir, elle doit s’en aller. Elle va aller dehors et elle sera de nouveau en forêt Amazonienne. Ce n’est qu’une mauvaise blague jouée par son cerveau. Elle hurle « Ce n’est qu’un rêve, cela ne peut pas être la réalité ». Elle commence à se pincer comme pour se prouver qu’elle est bien en train de rêver. Pourtant la réalité ne change pas : elle est toujours dans cette chambre d’hôpital et il est toujours là devant lui. Les larmes coulent plus fort et elle porte sa main à sa poitrine. La sensation devient insupportable. Elle doit s’échapper, trouver un moyen de revenir à sa réalité. Elle refuse tellement fort d’y croire. Sa respiration s’accélère, elle sent une boule d’angoisse grandir en elle alors elle se lève. Elle arrache tout ce qui la retient à ce lit et se précipite en courant vers la porte. Elle titube ne tenant pas vraiment droit mais l’urgence qui l’envahit la tient debout. Ne marchant pas droit, elle renverse tout ce qui se trouve sur son passage. Elle arrive à la porte dans un grand fracas. Elle ne se rend pas compte qu’en ayant arraché sa perfusion, elle s’est mise à saigner et du sang parsème sa fuite. Elle tente d’ouvrir la porte mais n’y arrive pas poussant la poignée dans le mauvais sens. Elle hurle de nouveau. « Laissez-moi sortir ». Elle finit par ouvrir la porte et s’engage dans le couloir.

Lawrence s'était douté que la nouvelle ne serait pas facile à accepter pour sa nièce. C'était la raison pour laquelle il avait décidé d'être la personne qui la lui annoncerait. Il lui serait forcément plus facile de croire un membre de sa famille plutôt qu'un parfait inconnu. Pour autant, il apparaissait évident qu'elle ne parvenait pas à croire que cela pouvait être vrai. Lawrence ne le lui reprochait pas. C’était quelque chose de difficile et il était probable que son esprit refuse catégoriquement la possibilité de réellement croire qu'elle ne pourrait jamais retourner à l'endroit qui avait constitué toute sa vie durant les dernières années. La perte d'un rêve et la perte d'espoir étaient des choses qu'il ne connaissait que trop bien et c'était une douleur qu'il partageait avec elle.

« Je sais que ça t’est pénible, mon enfant. Mais je te promets que je serai là pour toi. »

Mais alors qu'il espérait que ces paroles apaisent le cœur de la jeune femme, cela ne fit aucun effet et elle s'emballa plutôt en se dirigeant vers une réaction de franche panique. Il fut tellement désarçonné par cette panique qu'il ne pensa même pas à l'empêcher de passer. Il était beaucoup plus fort qu'elle et il n'aurait eu aucun mal à le faire s'il avait seulement pris le temps d'y penser. Au lieu de ça, elle s'enfuit dans le couloir à la recherche de l'extérieur, comme si elle était prisonnière et non pas une malade dans un hôpital. Lawrence décidait de réagir avant que ses collègues prétendent qu'elle devait être envoyée en psychomagie.

Il se précipita sur elle et l'attrapa, une main sur chaque épaule. Il était beaucoup plus grand qu'elle mais il se pencha en avant pour pouvoir attraper son regard avec le sien. Il devait la fixer jusqu'à ce qu'elle se calme et il savait que seul ce contact physique pourrait le faire. Elle ne devait pas partir dans tout l'hôpital au risque d'aggraver les blessures qu'elle avait. Mais il savait combien les choses pouvaient être difficiles quand on ne se rendait pas compte de ce que tout cela pouvait impliquer. La portée de cette situation particulière devait être proprement intolérable pour la spécialiste en magzoologie.

« Zelina, calme-toi, je sais que tu n'arrives pas à gérer la situation pour le moment, mais tu dois essayer de m'écouter. Tu es malade et si tu t'agites, tu risques de faire un nouveau malaise. Que dirais tu d'aller boire quelque chose à la cafétéria et de parler de tout cela tranquillement ? »

Ce n’est tout simplement pas possible. Cela ne peut pas être la réalité. Elle va sortir de l’hôpital et retourner en forêt Amazonienne. Toute sa vie est là-bas autant personnelle que professionnelle. A part Lawrence, rien ne la rattache au Royaume-Uni alors que tout l’attend en forêt Amazonienne. Elle a même fini par obtenir sa case même si elle ne reste pas longtemps en place. Cela doit être juste une mauvaise blague et pourtant Lawrence continue en ce sens. Elle ne perçoit aucune tonalité humouriste en lui et cela augmente sa panique. Ses mots ne sont absolument pas rassurant et elle a l’impression d’étouffer. Elle ne supporte pas de rester enfermer. Cela fait des années qu’elle n’a pas été à l’intérieur. Même pour dormir, elle préfère le hamac étendu entre deux arbres. Des feuilles de palmier suffisent à la protéger de la pluie. Alors être enfermé dans un hôpital est une horreur pour elle et l’ajout de la panique provoque une crise d’angoisse.

Elle fait le premier truc qui lui passe alors à l’esprit. Elle part en courant pour trouver la sortie la plus proche. Elle doit trouver de l’air pour respirer et pouvoir se calmer. Elle s’enfuit donc jusqu’à ce qu’il la rattrape. Elle sent d’abord des mains sur son épaule et elle se met alors à hurler. "Au secours". Son cœur s’emballe et elle devient alors livide alors qu’un début de malaise l’envahit. Elle arrive à se calmer alors qu’elle croise le regard de Lawrence. Il est sérieux mais calme comme toujours. Cela l’apaise en cet instant ainsi que ses mots. Elle n’accepte toujours pas son état et elle secoue négativement la tête à sa proposition de boire un café. Il lui faut autre chose. « J’ai besoin de sortir dehors, il me faut un arbre. C’est urgent je dois trouver un arbre pour me calmer ». Elle s’arrête un instant, essoufflée puis reprend. « Je ne supporte pas d’être enfermée ». Ses yeux démontrent sa panique en cet instant.

Lawrence ne supportait pas de voir quelqu’un à qui il tenait dans cet état. Connu pour ses états de service sur le chapitre de la lâcheté émotionnelle, il n’avait pourtant pas pu choisir ce chemin avec Zelina, pas vu les conséquences de ce qu’il avait à lui annoncer. Mais il était difficile de la voir succomber à la panique, souffrir de la pression, peiner à accepter ce que sa santé lui avait fait subir et les conséquences sur sa vie quotidienne. Oh, elle rebondirait. Lawrence n’avait aucun doute là-dessus. Mais pour le moment, elle était dans la souffrance, et cela faisait souffrir le vieux médicomage.

Il s’approcha d’elle et parvint à diminuer l’angoisse en lui proposant un café et une discussion paisible entre eux deux. Son flegme parvint à diminuer la crise, mais l’angoisse était toujours présente. Elle avait besoin d’air. Il la soutenait toujours et il fit signe à une aide d’apporter un manteau chaud pour elle. Elle pouvait sortir, après tout, mais pas seule et ce serait évidemment Lawrence qui se chargerait de l’accompagner. Il ne la laisserait plus seule, pas avec tout ce qu’il venait de lui révéler. Le manteau rapporté, il en entoura la naine avec toute la tendresse qu’un père pourrait avoir pour son enfant.

« Viens, on va dans le parc, je viens avec toi. Mais va doucement. »

Il la conduisit à l’extérieur jusqu’à un banc qui se trouvait juste sous la branche d’un arbre. Lawrence devina qu’elle aurait préféré y grimper mais le moment n’était pas bien choisi. Elle n’était pas assez en forme pour ça. Il espérait qu’elle n’essaierait pas mais il avait assez de forces pour la retenir le cas échéant. Pour le moment, il voulait juste lui donner l’air dont elle avait besoin et le soutien qu’il pouvait lui offrir. Il était évident que ce soutien était limité. La pauvre vivait probablement la pire journée de sa vie. Ca ne se réglait pas en un instant.

« Je sais que c’est difficile, ma chérie. Je suis là pour toi, on restera ici autant qu’il le faudra pour que tu t’apaises. »

J’ai besoin d’air, de contact avec la nature. Il y a bien longtemps que je n’ai pas été enfermé dans un endroit quelconque. Des années que je vis quasiment en permanence au grand air ou alors des huttes dans des matériaux issus de la nature. Là, je me retrouve dans un hôpital plein de béton et sans aucun matériau naturel. L’air me semble oppressant, encore plus alors que je viens d’apprendre une des pires nouvelles. Nouvelle que je refuse d’admettre. Alors je panique totalement cherchant à m’enfuir. Lawrence est présent, m’empêchant de partir très loin. Je pousse un soupir de soulagement alors qu’il accepte de m’emmener dehors. “Merci”. Je n’ai pas la force de repousser le manteau qu’il me met sur les épaules. Je sens qu’il me suit, qu’il est avec moi mais tout me semble encore un immense brouillard. Maintenant que ma crise de panique s’atténue, je sens une grande faiblesse envahir mon corps.

Marcher est très difficile mais je ne me plains pas. Je dois aller dehors. Je m’adosse à l’arbre refusant de m’asseoir sur le banc. J’ai besoin du contact avec la nature. Pourtant, je sens mes jambes qui tremblent sous mon poids. Mes yeux se lèvent un instant pour observer la branche d’arbre au-dessus. J’aimerais tellement y grimper, avoir de nouveau l’impression d’être ailleurs. Je me sens déraciné brutalement. Les larmes commencent à couler de mes yeux. “Je dois y retourner. Je ne peux pas rester ici. Je ne sais rien faire d’autre”. Je ferme les yeux et quand je les rouvre, la terre tourne autour de moi. Le tremblement de mes jambes augmentent et je me sens défaillir. Je me raccroche à l’arbre, l’entourant de mes maigres forces pour tenter de me maintenir debout. Ma vie ne sera juste plus jamais la même. Je suis déjà incapable de tenir debout en cet instant. Je finis par vaciller, mes jambes cédant totalement sous mon poids. Tenir l’arbre du mieux que je peux me permet de simplement glisser sans chuter totalement. Ma tête vient rencontrer le sol et mes larmes nourrissent le sol.