Air frais, chocogrenouilles et bierraubeurre

Feat. Victoire Weasley

“Pré-au-Lard, Pré-au-Lard, Pré-au-Laaaaaard!” chantonnait Leo en chemin vers… vous l’avez deviné, bande de petits malins, Pré-au-Lard. Il avançait d’un pas enjoué, devançant de quelques mètres le reste des Poufsouffles qui le regardaient gambader, l’air blasé ou amusé, c’était selon. Son écharpe mal mise flottait derrière lui au rythme de ses pas et un sourire ravi éclairait son visage. En résumé, il ne manquait plus qu’un arc-en-ciel et une licorne pour rendre la scène encore plus bucolique. Car oui, Pré-au-Lard et Leo c’était une grande histoire d’amour qui avait commencé lorsqu’en troisième année, il avait enfin été lâché dans le village. Émerveillé par le paysage enchanteur et surtout par les boutiques. Aaah, les boutiques… Entre Honeydukes et Zonkos, son petit coeur d’adolescent amoureux du sucre et des éclats de rire balançait. Si on lui avait demandé de choisir, il se serait certainement mis à genoux entre les deux boutiques en suppliant de ne pas le forcer à faire une chose aussi affreuse !

Bref, lorsque Leo avait vu la note annonçant la sortie sur le tableau des Poufsouffles, il avait manifesté bruyamment sa joie, comme à son habitude, avant de filer faire ses comptes. Il fallait qu’il aie de quoi faire ses emplettes de bonbons, mais aussi une bonne partie de ses cadeaux de Noel ! Ça promettait d’être compliqué, mais même un tel programme ne suffisait pas à le priver de son excitation enfantine. Rien que l’idée d’une bonne bieraubeurre lui faisait accélérer le pas. Heureusement, ils étaient arrivés à l’entrée du village… Il marcha quelques secondes à reculons pour s’assurer que son troupeau était encore derrière lui, puis il trébucha, probablement sur ses propres pieds, en plus et se remit dans le bon sens, déclenchant des rires derrière lui. Il se retourna de nouveau pour les foudroyer du regard, à peu près aussi crédible que la Directrice affirmant qu’elle n’aimait pas les chats.

“Rigolez, bande de traîtres ! Puisque c’est comme ça, je vous abandonne derrière moi, na !” lança-t-il à la ronde, lui-même à moitié mort de rire.

Mais quand même, comme il ne souhaitait pas non plus s’ennuyer tout seul, il fallait qu’il prélève une victime qui aurait le malheur de l’accompagner. Avec une moue exagérée, il les détailla les uns après les autres, avant de décider que Victoire était la plus indiquée… sans vraiment trouver d’argument. Il avait juste envie, voilà tout ! Il attrapa donc sa camarade par la main et la tira derrière lui, bien décidé à l’entraîner vers Honeydukes.

“Hop, je prélève un tribut, pour la peine ! On se retrouve plus tard aux Trois Balais, les gens !” cria-t-il par dessus son épaule. “Le premier arrivé garde des places pour les autres !”

Si ça, c’était pas la preuve que Leo était vraiment très très vexé qu’ils se soient moqués de lui… Sans relâcher la main de Victoire, il les orienta vers le magasin de sucreries dont il rêvait parfois la nuit, lorsque ses stocks étaient trop bas.

“Je me demande s’ils ont déjà mis les collections de Noel...” dit-il à Victoire, avant de s’interrompre et de rajouter, quand même, lorsque la politesse le rattrapa “... sauf si tu préfères aller ailleurs, hein ! C’est pas un kidnapping, juste...” Il hésita une seconde, avant de lancer à Victoire un sourire canaille. Il choisit même d’employer son petit surnom pour s’assurer de se faire pardonner pour ses vilaines manières“Je suis sûr que toi aussi, tu rêves de chocogrenouilles la nuit, Sunshine !”

En tout cas, c’était son cas, et ça tombait bien… ils étaient presque arrivés !

Air frais, chocogrenouilles et bierraubeurre

Feat. Victoire Weasley

Victoire n’avait pas beaucoup protesté. Du coin de l’oeil, Leo l’avait vue demander muettement de l’aide aux autres, mais il n’y avait aucun espoir pour elle… Elle était prisonnière, et leurs camarades étaient trop hilares ou pressés d’aller dans leurs boutiques préférées respectives pour venir l’aider. Elle était belle, la loyauté Poufsouffle, tiens, se dit-il en réprimant un ricanement. Heureusement, Victoire le connaissait bien. Ou alors il était prévisible, mais il préférait la première solution… Au bout de six ans dans la même Maison et dans les mêmes classes, c’était un peu normal, mais cela n’empêcha pas Leo de sourire à son amie, puis de battre exagérément des paupières lorsqu’elle le qualifia de “beau brun”. Il répliqua au doigt qu’elle planta sévèrement contre son torse en faisant mine de la chatouiller. Contre-attaque imparable, à une chose près : si Victoire choisissait de rétorquer de la même façon, ils allaient vite finir dans un cercle vicieux, car il était lui-même très chatouilleux...

“Ne t’inquiète pas pour ta ligne, va ! D’un, tu resteras une des plus jolies filles de l’école même si tu manges beaucoup de chocolat !” lui promit-il en lui tenant la porte, avant de rajouter, plus malicieux et le regard pétillant “et de deux… si tu as si peur que ça, je finirai ta part ! Je suis prêt à ce terrible sacrifice pour une amie !”

Il entra à sa suite dans la boutique, en inspirant profondément. Cette bonne odeur de sucre et de caramel, de fruits confits et de chocolat, le bruissement des bonbons que l’on verse dans un sachet, les discussions enthousiastes des autres adolescents, la chaleur douce et accueillante… Sous ses yeux émerveillés, un étal immense, rempli de chocolats et autres confiseries aux couleurs de Noël semblait leur tendre les bras.

“Aaaaah… laisse-moi là, Sunshine, je rentre pas à Poudlard !” s’exclama-t-il avec un sourire extatique en se tournant vers Victoire.

Il disait ça à chaque fois, ou presque. Une seule exception : cette journée maudite dont Leo refusait de parler, celle où la collection du moment s’était avérée des plus décevantes, à base de...de… de fruits ! Quelle idée d’essayer de remplacer le bon sucre et le bon chocolat par quelque chose de plus… sain ! Heureusement qu’ils avaient compris de leurs erreurs et qu’ils étaient vite retournés à des confiseries plus traditionnelles !  

“Je pense que je pourrais nager là-dedans… ” glissa Leo à Victoire, alors qu’ils luttaient contre le troupeau bariolé aux couleurs des quatre Maisons qui s’était agglutiné autour dudit étal pour se frayer un chemin jusqu’à un énorme bol rempli à ras-bord de Chocoballes rouges et vertes. “Ou je sais pas, genre, planter une tente et vivre à côté… un peu comme un garde-chasse, mais pour des bonbons ! Tu penses que ça ferait un bon plan de carrière ?”

Ooh, le joli nuage noir que Leo, dans sa grande intelligence, venait d’invoquer au dessus de sa tête… Est-ce qu’il fallait vraiment qu’il réfléchisse maintenant à son avenir ? Alors qu’il était au Royaume des Délices ? Non, non, non, hors de question ! Pré-au-Lard ne serait pas gâchée par ces soucis bassement matérialistes. C’était décidé. Se penchant entre deux Gryffondors pour récupérer des paniers, il en tendit un à Victoire en lui souriant, plus pour se remettre de bonne humeur qu’autre chose.

Air frais, chocogrenouilles et bierraubeurre

Feat. Victoire Weasley

“Une ogresse, t’abuse quand même” protesta Leo, mort de rire. Il était certain que pour que Victoire ressemble à une ogresse, il faudrait qu’elle change carrément de corps ! C’était la seule solution qui paraissait crédible.

Levant les mains lorsqu’elle le menaça de mille morts s’il touchait à sa part de bonbons, il prit son plus bel air effrayé, roulant des yeux et faisant mine de frissonner. Bon, intérieurement, il était beaucoup moins effrayé que ça. Si c’était cet effet là que Leo lui-même faisait quand il essayait de faire peur, genre à Halloween, pas étonnant que ça fasse plutôt marrer ses amis. Parce que Victoire était juste… adorable à montrer les dents, il le pensait sans aucune moquerie. Il ne répondit donc rien à sa menace, se contentant de la suivre en souriant dans le magasin.

Victoire brisa tous ses espoirs d’installation dans un coin du magasin. Malheureusement, elle avait raison : il ne pouvait pas rester ici à vie. C’était vraiment dommage, et en même temps, il le savait, il valait mieux pour lui. Il sentit bien qu’il aurait mieux fait de ne pas parler de leur futur,  Victoire n’avait pas l’air enchantée de cette perspective non plus. Quelque part, ça le rassurait. Mais d’un autre côté, il n’y avait rien de réjouissant à se dire que son amie était paumée, elle aussi. Encore que son idée de travailler dans la confiserie avait un sens… Ou en tout cas, elle avait au moins le mérite de le faire rêver, et pas cauchemarder, comme les postes que son père lui suggérait.

“Je pourrais même créer mon magasin… Choco-Shafiq, ça sonne bien, comme nom, non ? Je ferais de toi mon actionnaire principale, même !” proposa-t-il après une seconde de réflexion. Après tout, c’était Victoire qui lui avait donné cette idée. La seule chose, c’est qu’il serait déçu de ne pas utiliser plus ce qu’il avait appris en cours de Défense contre les Forces du Mal… Peut-être qu’il pouvait inventer un chocolat qui repousserait les épouvantards, genre en manger un bout ferait rire et ça suffirait à faire s’enfuir cette saleté ? Il y avait un concept à creuser…

Il se laissa attirer vers les chocolats de Noël et balança directement quatre chocoballes dans son panier : deux rouges et deux vertes, pas de jaloux ! Il vérifia les prix et nota mentalement combien il lui restait. Il avait un budget très précis à ne pas dépasser…

“Okay, alors je compte sur toi, Sunshine, faut pas me laisser repartir avec la moitié du magasin ! J’ai d’autres achats à faire” implora Leo à regrets, avant de désigner des petits sapins de Noël en pain d’épice saupoudrés de sucre qui semblaient trembler, comme s’ils étaient sous le vent. “Ils sont nouveaux ceux-là !”

Aucun doute là dessus. Leo connaissait sur le bout des doigts toutes les gammes de Noël de Honeydukes depuis qu’il était en âge de s’en souvenir. Au grand désespoir de ses parents, il ne mettait pas le même soin à se rappeler des dates essentielles d’Histoire de la Magie...

Air frais, chocogrenouilles et bierraubeurre

Feat. Victoire Weasley

Leo lança à Victoire un grand sourire reconnaissant en vidant tranquillement un étalage de Patacitrouilles en forme de flocons multicolores dans son panier. Il fallait effectivement qu’il fasse attention, mais les Patacitrouilles, c’était pas pareil, ça comptait pas… Et ça lui permettait de ne pas trop s’appesantir sur un projet éventuel de boutique de bonbons. Ce n’était pas s’il se ruinait en Patacitrouilles qu’il allait avoir l’argent de défier Honeydukes, justement. Il en remit donc la moitié en place, nonchalamment. Sagement. C’est Maman qui serait fière.

Il regardait vers les rayons des sucettes quand Victoire lança son idée. Son regard s’éclaira de mille feux, et il sembla rebondir sur place, comme si l’enthousiasme était trop fort pour qu’il puisse rester en place. Même sans parler de projet professionnel, faire ses propres chocolats, ou au moins les mouler et décider des parfums éventuels…

“Mais c’est trop bon comme idée de cadeau de Noël, ça ! Tu es juste GENIALE !!” s’extasia-t-il en résistant à l’envie de lui plaquer un gros baiser enthousiaste sur la joue. Il fallait pas non plus qu’il la fasse rougir au point qu’elle s’enflamme, alors qu’elle l’aidait à se trouver un avenir, ce serait pas productif. (Est-ce qu’il pensait pas un peu trop comme un Serpentard, là ?)

Leo regarda autour de lui pour trouver ce dont parlait Victoire. Qui sait ? Dans un monde parfait, rose et parfaitement idéal, il pourrait offrir ces chocolats à ses parents pour Noël qui seraient tellement fiers de son talent insoupçonné qu’ils le soutiendraient dans son projet à peine naissant et pas du tout développé. Hey, au moins, il avait le nom de la boîte ! Ah voilà, ça devait être ce rayon, là bas.

Il se glissa entre deux Troisièmes Années fascinés par le rayon des sucettes, cherchant de nouveau la main de Victoire pour l’entraîner avec lui. Il aurait besoin de sa consultante en confiserie pour choisir, l’étalage avait l’air assez fourni.

“Tu crois qu’ils font des moules, aussi ? Après, ça se fabrique, hein, ça pourrait être fun d’en faire genre en forme de lion, de serpent, d’aigle et de blaireau pour les offrir à tout le monde, à Poudlard… Encore que ça doit déjà exister, j’imagine. Marrant, je me suis jamais penché sur la question ! Ca te dit quelque chose, à toi ?” lança Leo par dessus son épaule à Victoire, tout en continuant à progresser entre les clients.